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Si Clovis est un personnage historique,
il n'en est pas moins un héros mythique. Les chefs francs n'avaient
été jusque là représentés que de manière
imprécise. On ne les reconnaissait que grâce à l'inscription
de leur nom dans l'image. Clovis apparaît comme le premier roi de
France et le premier roi de France chrétien. Il en a tous les attributs :
la couronne et l'habit fleurdelisé, l'épée et la
main de justice. Deux épisodes de sa vie sont privilégiés
dans les représentations : la scène du vase de Soissons
et celle du baptême. |
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L'image de Clovis a en effet évolué
au cours du Moyen Âge. Le guerrier, vainqueur des Alamans et des
Wisigoths des textes du bas Moyen Âge, fait figure de croisé
quelques siècles plus tard. Dieu, par la main de Clovis, vainc
les Barbares ou les hérétiques. On laisse même croire
que par ses victoires il a dessiné les frontières du royaume
dans les limites qu'elles connaissent à la fin du XVe siècle
comme s'il avait tracé des frontières immémoriales.
C'est le soldat de Dieu que célèbre l'épisode du
vase de Soissons. Lors d'une des premières campagnes de son règne,
Clovis vainqueur participe au partage du butin et réclame pour
sa part un vase sacré pris à l'Église avec l'intention
de le restituer à l'évêque. Le soldat qui s'était
attribué le vase fait valoir son antériorité et préfère
le casser plutôt que de le rendre. Peu de temps après, passant
les troupes en revue, Clovis fait remarquer au soldat que ses armes sont
sales, les jette à terre, et lorsque celui-ci tente de les ramasser,
Clovis lui brise alors la tête en disant : "Souviens-toi
du vase de Soissons". L'histoire, rapportée par Grégoire
de Tours, est interprétée, aux XIVe
et XVe siècles, comme une volonté
déjà présente chez le roi, avant même son baptême,
de servir le Dieu chrétien et son Église et non comme un
simple dépit d'avoir vu son autorité bafouée.
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Progressivement, l'image du guerrier s'efface derrière
celle du saint. Les auteurs insistent sur sa beauté, sa chasteté,
sa probité et sa confiance en Dieu. Avec Clovis se tisse la légende
qui va asseoir une royauté qui tient son pouvoir de Dieu, tandis
que se met en place le rituel du sacre.
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C'est la volonté divine qui récompense
Clovis en faisant fuir ses ennemis à Tolbiac et en envoyant lors
de son baptême la Sainte Ampoule venue du ciel pour oindre le premier
roi. Premier roi sacré, il est aussi le premier à recevoir
de Dieu les armoiries aux trois lys. Un ange les lui aurait apportées,
la veille de la bataille, en présage de victoire, raconte vers
1330 la légende du monastère de Joyenval en forêt
de Marly. À la fin du XVe siècle,
on admet même qu'il a été le premier à guérir
les écrouelles comme tous ses successeurs. Certes, la papauté
se garda de reconnaître Clovis comme saint, et Grégoire de
Tours évoque le fils bâtard de Clovis qui lui succéda
et les crimes qu'il commit après son baptême. Pourtant l'image
de sainteté perdura dans les Grandes Chroniques tant la
nation éprouvait le besoin d'avoir à ses origines un saint
roi, de même que saint Olaf veillait sur la Norvège et saint
Étienne sur la Hongrie.
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