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La mise en scène du pouvoir
La mise en scène du pouvoir

© Bibliothèque nationale de France
François Ier assis sur son trône, entre Érasme et le comte de Carpi
© Bibliothèque nationale de France
Le conseil et les conseillers
L’avènement de François Ier fait passer un souffle de nouveauté sur la société politique du royaume : sa jeunesse suscite l’attente, alors que sa prestance physique s’exprime dans les cabrioles de son cheval lors de son entrée à Paris. Le discours de l’ère nouvelle a même des résonances religieuses. Pour autant, il ne prend guère forme dans l’iconographie de l’exercice du pouvoir. Le sceau du nouveau monarque reprend d’ailleurs la matrice de celui de Louis XII – mais sans doute pèse ici le contexte de la succession collatérale, qui impose de mieux faire ressortir une continuité dynastique dont la symbolique est forte dans le cas du sceau.
La continuité visuelle se marque également dans la relation du souverain avec son conseil. Il est frappant de noter que les représentations du roi en majesté, avec les regalia, la tenture fleurdelysée et le dais, entraînent presque toujours la présence de conseillers autour de lui. À l’image du King-and-Parliament anglais, la majesté du roi semble ne pouvoir s’exprimer pleinement qu’entourée d’autres membres de la société politique. Les institutions concernées sont diverses, mais la logique est toujours la même, du parlement de Toulouse, au sein duquel François Ier trône en 1515, à la cour des pairs du procès Bourbon en 1527, en passant par une image générique du Conseil du roi intégrée dans La Grant Monarchie de France de Seyssel (1519). Jusqu’à certaines scènes d’hommage de livres, comme celle du Panégyrique offert en 1531 par René Bombelles, qui peuvent avoir lieu devant un François Ier sous le dais, entouré de clercs et de seigneurs laïcs. Sur une autre enluminure, le roi figure en majesté entre Érasme et Albert Pio de Carpi : il arbitre le débat entre les deux hommes, qui font ici office de « conseillers » exposant des points de vue différents, entre lesquels François doit choisir. Toutes ces mises en image tendent donc à montrer que le roi n’exerce correctement son pouvoir que s’il prend conseil : sa décision est certes individuelle, mais la délibération doit être collective.
Mais de qui le roi doit-il prendre conseil ? Dans les images disponibles, rares sont les individus identifiables, et le partage se fait entre deux ou trois catégories. La division en deux renvoie à l’opposition entre clercs et laïcs. L’autre modèle distingue pour sa part clercs, hommes de guerre et juristes, avec le chancelier à la tête de ces derniers : c’est celui qui prévaut sur une miniature connue aujourd’hui uniquement par une photographie. La distinction entre clergé et hommes de loi visualise un débat qui s’amorce sous François Ier : la possible structuration des gens de justice en un État propre.

Scène de lecture
Lorsqu’il offre au roi le manuscrit de sa traduction de Diodore (Chantilly, musée Condé, ms. 721), Antoine Macault se fait représenter lisant devant le souverain, ses fils et certains personnages éminents de sa cour. De manière exceptionnelle, cette scène destinée au manuscrit de présentation est gravée et accompagne l’édition des Trois Premiers Livres de l’histoire de Diodore.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France

Le partage du trône ?
Louise de Savoie occupe un rôle primordial au début du règne. Deux fois régente lors des campagnes d’Italie de 1515 et 1524 ainsi que durant la captivité madrilène du roi, elle exerce une influence considérable sur le souverain. Sur cette image de dédicace, elle partage le trône avec son fils, pourtant revêtu des insignes du pouvoir : sont ainsi évoqués son rôle de régente et la manière familiale de gouverner.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France
La célèbre miniature où Antoine Macault lit au roi sa traduction de Diodore de Sicile représente certes une scène de cour et non véritablement de conseil, mais on peut cependant lui faire place ici, comme à l’offrande du Panégyrique mentionnée plus haut, car elle montre à l’évidence que la « formation intellectuelle » des fils de France comme des principaux courtisans, qui sont aussi des conseillers privilégiés, relève de l’exercice du pouvoir. Baldassare Castiglione aurait évidemment souscrit à cette mise en œuvre d’une « révolution culturelle » qui est une facette de la Renaissance politique.
La miniature de Macault est cependant atypique en ce qu’elle individualise les personnages représentés, à commencer par le roi, ce qui est rarement le cas dans cette iconographie : corps et visage du souverain semblent avant tout génériques quand le lien avec la société politique est directement en jeu. Deux figures seulement s’imposent aux côtés de François Ier dans le cadre de l’exercice du pouvoir. Le chancelier Duprat est repérable sur la miniature avec Macault, ainsi que sur celle du lit de justice du procès Bourbon et celle de l’ancienne collection Walpole. Mais il est toujours placé sous l’autorité du roi, alors que Louise de Savoie, recevant l’offrande d’un livre de Symphorien Champier en 1516, partage le trône avec son fils pourtant revêtu des attributs de la majesté. On peut y voir sans doute une allusion à son rôle de régente en 1515 et 1516, d’autant qu’elle a exercé cette fonction à Lyon, ville de résidence de Champier. Cette mise en image insiste donc sur la dimension familiale de l’exercice du pouvoir. Rappelons au passage que la représentation bien connue de Louise tenant un gouvernail ne renvoie pas, comme on le lit parfois, à la difficile période de la régence de 1524 à 1526, mais date de 1522. Elle n’en constitue pas moins une figure symbolique du gouvernement, qui s’ajoute à celle de Louise en dame Prudence tenant un compas, allégorie du juste Conseil que doit écouter son fils. Cette iconographie liée à la mère du roi relève d’une production à usage interne au cercle Valois, dans laquelle le rapport à l’événement est souvent assez indirect.

« Le baptême de Clovis »
Le 12 juillet 1515, le consulat de Lyon organise pour François Ier une entrée solennelle très élaborée, comprenant quinze « échafauds ». Près de l’hôtellerie du Griffon, un théâtre à deux étages met en scène le baptême de Clovis. Au registre supérieur, Dieu le Père trône en gloire, entouré d’anges. Au-dessous, Clovis est représenté dans la cuve baptismale, sous ses armes païennes aux trois crapauds. À gauche, un ange apporte à saint Remi la sainte ampoule destinée au sacre des rois de France ; à droite, un autre ange apporte à saint Vaast les armes de la France chrétienne, l’étendard aux trois fleurs de lys.
© Herzog August Bibliothek, Wolfenbüttel
© Herzog August Bibliothek, Wolfenbüttel
La rareté de l’événementiel « politique »
C’est d’ailleurs un trait général : les événements intérieurs du règne laissent peu de trace dans la production iconographique, quel qu’en soit le support. S’ils sont représentés, c’est généralement d’une façon biaisée, en ce sens que l’enjeu n’est pas de rendre compte de leurs circonstances spécifiques. Révélatrices sont ainsi les trois gravures sur bois illustrant autant de versions légèrement différentes de l’occasionnel publié lors du sacre de François Ier. Aucune ne cherche à rendre compte de la cérémonie. Sur l’une, en effet, c’est un pape qui couronne le roi ; une autre représente le baptême de Clovis ; quant à la troisième, elle est d’interprétation délicate. À titre d’hypothèse, on peut y voir le don par Dieu à des sujets (avec une inhabituelle représentation des trois ordres) d’un roi figuré sous forme symbolique : un cœur couronné qu’entoure le collier de l’ordre de Saint-Michel. Pour les funérailles de François Ier, des bois antérieurs sont également repris, dont la matrice remonte à la sépulture d’Anne de Bretagne.
Au cours du règne, des images en lien avec des événements récurrents, comme les entrées, correspondent souvent aussi à des remplois. En outre, leur présence reste encore très limitée dans les livrets publiés pour l’occasion. La transposition iconique ne recherche donc guère un effet de réel, qu’il s’agisse des circonstances précises ou de la topographie des lieux. Ainsi en va-t-il pour les entrées toulousaines de 1533, dont la mise en image assurée par la municipalité se fait sur fond de tenture fleurdelysée et non de paysage urbain. Du moins trouve-t-on ici l’écho d’un événement réel. Il n’en va pas de même avec la gravure du roi siégeant en 1515 au parlement de Toulouse, déjà évoquée ; la présence du monarque y est en effet fictive : elle sert avant tout à exalter le « magnifique parlement » ainsi que la « cité glorieuse », suivant les phylactères qui entourent la scène.

Le roi et les cours souveraines
L’iconographie du roi en majesté entraîne traditionnellement la représentation de ses conseillers autour de lui, illustrant ainsi le bon gouvernement d’une monarchie réglée par les clercs et les cours souveraines. Dans cette mise en scène fictive de François Ier siégeant au parlement de Toulouse en 1515, la gravure sert l’exaltation du parlement et de la cité toulousaine.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France

Le procès de Charles de Bourbon
Dès 1521, à la mort de la femme du connétable Charles de Bourbon, Louise de Savoie revendique les biens des Bourbons. Le procès tourne en défaveur de Charles, qui offre ses services à Charles Quint et quitte le royaume. Ses biens sont alors confisqués pour trahison. Au lendemain de sa mort, le 6 mai 1527, une séance de la cour des pairs juge Bourbon « crimineux de lèse-majesté, rébellion et félonie ». Sur cette représentation exceptionnellement réaliste d’un événement politique, la cour est présidée par le roi, et l’on distingue très précisément le chancelier Duprat et Charles, dernier fils de François Ier.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France
Finalement, les événements politiques qui laissent une trace en image un tant soit peu réaliste sont très rares. Exceptionnelle est à ce titre la séance de la cour des pairs du 26 juillet 1527, présidée par le roi et destinée à juger à titre posthume le connétable de Bourbon. Elle associe le conseil et la sanction de la lèse-majesté, dans le contexte du début du « second règne » de François Ier, après son retour de captivité. Un manuscrit réalisé pour le chancelier Duprat fait figurer ce dernier au pied du trône, du côté des six pairs ecclésiastiques, a priori en tant que chancelier mais pourtant en habit de cardinal, même s’il n’obtiendra cette dignité qu’au mois de novembre suivant. En vis-à-vis, entre le roi et les six pairs laïques, un jeune garçon qui doit incarner Charles, le plus jeune fils du roi et le seul présent alors, puisque ses deux aînés sont retenus en Espagne. Ces deux personnages contribuent, dans l’image, à l’inscription événementielle de cette session de la cour des pairs. On peut leur associer, derrière les pairs laïques, les gentilshommes qui sont sans doute les baillis et sénéchaux convoqués à Paris pour l’occasion.

Le roi écrasant l’hérésie
Dès avant l’affaire des Placards, la position royale face au schisme luthérien est clairement exprimée dans cette enluminure : le roi en habit de cour est entouré par la Charité, portant sur un plateau le cœur du roi et des « bons Françoys », et par la Foi, qu’il soutient de son bras. Au premier plan, un diable est en train de se saisir de l’homme piétiné par le roi, symbole de l’hérésie luthérienne.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France
Une mise en scène générique des valeurs du royaume
En fait, ce que cherche avant tout à exprimer l’iconographie, ce sont les valeurs légitimes de l’exercice du pouvoir, dont la mise en scène est pour l’essentiel générique. Ces valeurs sont traditionnelles : à côté du roi chrétien et du roi guerrier, qui relèvent pour partie d’autres sphères, c’est le roi de justice qui occupe ici la meilleure part. On peut lui associer, en jouant sur les mots, un « roi de justesse », apte à juger de la validité des arguments de ses conseillers : tout ce qui relève du juste est donc ici central. Quand François Ier préside sur une enluminure au baiser de la Paix et de la Justice, il prend rang dans une allégorie du bon gouvernement chrétien, appuyée ici sur une référence biblique explicite (Psaume 85, verset 11).
La grâce n’est jamais très éloignée de la justice. Sur un échafaud de l’entrée de la reine Claude à Paris, en 1517, figure au niveau supérieur Louis IX, flanqué de la Justice et de sa mère, Blanche de Castille, en un évident écho à la place de Louise de Savoie auprès de son fils. Les trois personnages du niveau inférieur, un paysan ( « Labour » ), un soldat ( « L’aventurier » ) et un mendiant ( « Povre mendien » ), présentent au roi des requêtes. Elles constituent la forme normale de la relation avec le roi de sujets qui n’ont pas à discuter ses choix, mais seulement à lui présenter leurs doléances, soit dans le cadre des institutions de la société politique (comme les assemblées d’État), soit, comme ici, à titre individuel. La présence des humbles, peu fréquente, est d’autant plus signifiante qu’elle est logiquement associée à la figure du bon roi Saint Louis, si valorisante pour ses descendants. Pour deux des trois personnages, les grâces demandées au prince le sont sous forme écrite : signe de l’avancée de ce mode de communication, pour lequel, si tant est là encore que le réalisme soit de mise, soldat comme mendiant ont sûrement dû faire appel à un intermédiaire lettré.

Un fils et sa mère
La grâce royale, acte de prestige et de pouvoir, est mise en scène sur une miniature d’un livret figurant les « échafauds » qui jalonnaient le parcours de l’entrée de la reine Claude à Paris, en 1517. Un paysan, un soldat et un mendiant présentent leurs requêtes, tandis qu’au niveau supérieur le bon roi Saint-Louis est assis entre la Justice et sa mère, Blanche de Castille. Mère et fils font référence au duo formé par François Ier et Louise de Savoie.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France
La Grâce royale et sa sœur, la Faveur, marques d’un prince libéral, passent, quand elles s’exercent, par l’image du sceau, ou au moins par la forme graphique de la signature, faute toujours de mise en image plus explicite. L’enjeu du scellement des actes nous vaut en revanche une iconographie inhabituelle, celle de l’audience du sceau, représentée sur un bas-relief du tombeau du chancelier Duprat à la cathédrale de Sens, ou sur une miniature d’un manuscrit relatif au statut de la compagnie des notaires et secrétaires du roi. Certes, le roi en est physiquement absent. Mais l’activité de la chancellerie, qui n’est d’ailleurs pas publique pour ce qui concerne le scellement, renvoie directement à lui, comme incarnation momentanée de la souveraineté, voire d’un État qui n’est pas encore véritablement émancipé du prince. Elle débouche sur l’envoi de documents dans tout le royaume.
L’espace du royaume
L’envoi des actes scellés est amplifié par leur diffusion imprimée, qui prend un essor spectaculaire à la fin du règne, avec, comme étape marquante, l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Le grand F, lettrine de départ, scande visuellement l’ouverture du texte et devient une sorte de nouvelle « image » du roi pour les lecteurs. D’autres marques visuelles (noms de lieux, armes, fleurs de lys) peuvent également indiquer symboliquement la présence du roi sur les cartes du temps, mais dans le cadre d’une production qui reste très réduite.

Le roi et son royaume
Rares sont les images qui associent le roi et le territoire du royaume à l’époque de François Ier : parmi quelques représentations de villes réelles, la tapisserie du roi Pâris montre, à l’arrière-plan, la capitale à laquelle il aurait donné son nom et dont on peut identifier certains monuments. La tradition veut voir, dans le visage du souverain, celui de François Ier. Les humanistes français cherchaient à promouvoir les origines mythiques de la monarchie pour lutter notamment contre l’influence pontificale et impériale.
© RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier
© RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

Le roi garant de l’unité
Chacune des scènes de la galerie François Ier à Fontainebleau exalte l’autorité du souverain, perçu comme un prince idéal, paré de qualités multiples. Au centre de la fresque de la travée dite « de l’unité de l’État », François Ier, peu reconnaissable sur la gravure, allie la figure du vainqueur couronné de laurier (les Barbares captifs, qui évoquent le triomphe romain, rappellent que le roi est empereur en son royaume) et celle du serviteur de la concorde, dont la grenade qu’il tient dans la main est un symbole.
© Bibliothèque nationale de France
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Rares sont finalement les mises en image qui associent le roi et son royaume : l’arrière-plan des différents portraits de François Ier est révélateur en ce domaine. On a vu que, même pour l’entrée à Toulouse de 1533, la ville demeure invisible. Seul le dessin de la collection Gaignières fait ici exception, offrant au passage, lointain écho d’une célèbre fresque siennoise, une sorte de version française des effets du bon gouvernement sur un territoire diversifié et largement offert à la vue. Une autre tapisserie des environs de 1530, conservée au musée départemental de l’Oise, figure le roi Pâris devant la capitale à laquelle il aurait donné son nom. Certains monuments sont identifiables. La tradition veut voir, dans le visage du souverain, celui de François Ier. Reste que c’est avant tout sous la forme monétaire que se répand la figure du roi, non sans décalage ici encore avec la réalité, puisque sa barbe n’est prise en compte qu’à partir de 1540 sur les monnaies d’argent.
Un nouveau langage de l’exercice du pouvoir ?
L’influence italienne et la référence antique ont déjà leur place, à des titres divers, dans certaines représentations précédemment évoquées. Elles ont des effets plus marqués dans d’autres images, comme la miniature figurant vers 1545 François Ier en déité polymorphe, associant ses vertus à celles des dieux. Mais le dossier principal est ici constitué par le programme artistique de Fontainebleau, particulièrement par la galerie François-Ier. Celle-ci est conçue pour exalter l’autorité du souverain, en lien avec les réflexions d’humanistes – Budé sans doute inclus – et d’une façon finalement plus explicite que dans leurs œuvres. François Ier est manifestement présent au centre de la fresque de la travée dite « de l’unité de l’État ». Il y combine la figure du vainqueur couronné de laurier et celle du serviteur de la concorde, dont la grenade qu’il tient est un symbole. Mais bien d’autres éléments de la galerie renvoient au roi, comme la fresque de Jupiter et Danaé. Le détour mythologique fait ici apparaître une figure essentielle du pouvoir : le rôle décisif du prince dans l’octroi à son peuple de la monnaie, et plus largement de la richesse. Cette iconographie du pouvoir s’exprime en des formes complexes et réservées aux initiés : l’accès direct en est limité, et, même si la gravure en élargit la diffusion, on n’a guère le sentiment que celle-ci serve une propagande politique.
La restriction de la circulation de ces images, déjà établie pour la préparation idéologique du règne, fait du secret et de son éventuel dévoilement des éléments centraux de la mise en image du pouvoir de François Ier. Cette dernière passe par des évocations généralement bien éloignées de l’exercice quotidien de ce pouvoir, qu’elles n’ont pas pour but de mettre en scène, ni de diffuser largement. Il n’est pas forcément pertinent d’associer cette nouvelle dimension du secret à un éventuel projet « absolutiste » de François Ier, car la monarchie française du temps s’appuie encore pour l’essentiel sur d’autres valeurs politiques.
Les « angles morts » de la représentation
À côté du secret, l’historien constate des « angles morts » de la représentation : pas d’iconographie de la sanction royale – en particulier des disgrâces, le cas Bourbon se situant sur un autre plan –, ni de la grâce royale collective (comme le pardon de La Rochelle de 1542). Dans les deux cas, on suppose qu’il s’agit de tenir les dysfonctionnements concrets à distance d’une imagerie politique qui reste fondamentalement du registre de l’éloge et du consensus, d’autant qu’elle exprime des valeurs et met peu en scène des situations réelles. Cependant, l’exaltation de certaines valeurs, en fonction du contexte, peut prendre une tonalité indirectement critique : ainsi lorsque le décor d’une entrée de ville accumule les images d’une paix associée à l’abondance, pendant que la guerre du roi fait rage.

François Ier recevant dans la salle des Suisses à Fontainebleau devant « La Grande Sainte Famille » de Raphaël
François Ier construit des châteaux pour la chasse et la fête. Il faut imaginer ses châteaux animés par une cour qui atteindra jusqu’à quinze mille personnes ! Fontainebleau est à cet égard le château qu’il aime entre tous. C’est là qu’il réunira sa plus grande collection d’œuvres d’art, qui comportait une forte proportion d’œuvres romaines et florentines de la haute Renaissance. Le roi employait des agents chargés de trouver pour lui des peintures, des statues, des livres et des objets rares. Certains étaient des diplomates français, comme Guillaume Du Bellay ; d’autres des Italiens, comme Battista Della Palla ou l’Arétin.
© Direction des Musées de France, 1989, Carole Loisel, Catherine Lancien
© Direction des Musées de France, 1989, Carole Loisel, Catherine Lancien
Alors que l’intérêt pour l’information semble connaître, dans la société politique de la première moitié du 16e siècle, une forte croissance, en lien avec la diffusion de l’imprimé, l’exercice du pouvoir dans le royaume est peu mis en image. Le message en ce domaine paraît clair : le roi n’a pas de comptes à rendre de son action. En outre, il n’a pas à répondre à d’éventuelles remises en cause, en un temps où un large consensus politique règne visiblement dans le royaume, comme en témoigne la digestion relativement aisée de la très grave crise liée à la succession Bourbon et à Pavie. Si un message visuel est diffusé, c’est de manière éphémère, au cours de cérémonies, de spectacles ou d’entrées. On ne juge pas encore nécessaire d’en conserver la trace iconique. L’évolution est cependant rapide, comme le montrent, dès Henri II, les images qui se renouvellent – ainsi du sceau, reproduisant désormais la véritable physionomie du roi – et, surtout, les images qui se multiplient, pour représenter les entrées de ville, des épisodes liés au sacre (tel le toucher des écrouelles) ou à la vie de cour (chapitre de l’ordre de Saint-Michel). Il est vrai qu’une inflexion se dessinait déjà au cours des dernières années de François Ier, avec l’émergence d’un nouveau type de portrait en majesté ou la diffusion généralisée des ordonnances. Mais si ce règne a bien été marqué, à l’intérieur du royaume, par une visibilité accrue de la figure du prince, il n’en est pas allé de même pour ses actes, si ce n’est sous une forme générique, cryptée ou très confidentielle.
© BnF - Éditions multimédias
L'exercice du pouvoir
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