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Dans un monde qui, aux XIVe et XVe siècles, est souvent tenaillé par la faim, les châteaux et les somptueux palais urbains de l'aristocratie apparaissent comme autant d'îlots de goinfrerie. Manger plus et manger mieux sont en effet des privilèges de ce groupe social, qui trouve dans les événements les plus variés de nombreuses occasions de ripailles.
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Fêtes gourmandes |
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Toute occasion est bonne pour améliorer l'ordinaire. Aux traditionnelles fêtes chrétiennes (Noël, Pâques, Pentecôte, Fête-Dieu) et aux fêtes familiales s'ajoutent des circonstances exceptionnelles. L'inhumation d'un roi ne se passe pas sans banquet, le sacre de son successeur encore moins : en 1328, celui de Philippe VI de Valois mobilise non seulement les poissonniers de Reims, mais aussi des marchands de Malines ou de Compiègne. Tous concourent à fournir aux cuisiniers les plats inventifs qui pourront éblouir des convives fort impressionnés par l'étiquette de la table et celle du service.
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L'ordre des mets |
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Les plats fort goûteux que confectionnent les maîtres-queux des grandes maisons prennent place à différents moments du repas, qui constituent autant de services. Dans un festin de quelque tenue, le service des rôtis succède ainsi à celui des potages, terme qui désigne toutes sortes de mets mijotés que l'on mange souvent dans une écuelle. Viennent ensuite les entremets et une série de mets qui concluent les agapes : desserte, issue et "boute-hors", littéralement "pousse-dehors". À chacun des services on dispose simultanément sur la table plusieurs mets : il n'est donc pas possible à chaque convive de goûter à tous les plats, qui sont trop nombreux pour cela. Les invités les plus modestes en sont ainsi réduits à manger les plats qui se trouvent au plus près d'eux, et qui, on l'imagine, ne sont pas forcément les meilleurs. Ils doivent aussi affronter les désagréments de la promiscuité.
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Les bonnes manières |
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Des traités expliquent aux jeunes nobles ou aux jeunes clercs les obligations qu'entraîne le partage des récipients et des couverts. Ce sont en effet deux convives qui se partagent le plus souvent un même récipient à boire, une même écuelle ou un même tranchoir, ce morceau de pain rassis posé sur une planche qui sert d'assiette improvisée. Ne pas remettre dans le plat le mets dont on a déjà goûté, ne pas offrir à son voisin un morceau entamé, saler sa viande sur le tranchoir et non pas la tremper dans la salière, s'essuyer la bouche avant de boire au hanap, enfin ne pas repasser à son voisin une coupe de vin entamée dans laquelle on a trempé des tranches de pain : autant de préceptes de bon sens. Les règles d'hygiène sont encore plus strictes lorsqu'il ne s'agit plus seulement de manger mais de servir.
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Le rituel du service |
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Nourrir le seigneur ou le souverain est une tâche à laquelle les nobles sont préparés dès l'adolescence : servir est un honneur, par exemple pour l'écuyer tranchant qui coupe la viande avec un art consommé. De nombreux officiers, l'échanson, le sommelier, etc., se partagent la rude tâche de choisir le vin du maître ou de ses convives de marque, de le mélanger à de l'eau et de vérifier qu'il n'est pas empoisonné. Le vin, en effet, ne se boit pas pur. Quant à la hantise des empoisonnements, elle est très vivace dans les cours de la fin du Moyen Âge. Pour la prévenir, on fait confiance à des réactifs, telle la corne de licorne (en réalité une défense de narval) : la virginité de cet animal mythique est censée faire bouillonner tout liquide infecté de venin.
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Le banquet du Faisan |
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La cour de Bourgogne a développé une étiquette de la table sans précédent par son raffinement et sa ritualisation. Elle fait de chaque banquet un spectacle permanent. Le plus célèbre, auquel assistèrent d'ailleurs des centaines de convives et de spectateurs, est le banquet du Faisan, tenu à Lille en 1454. Avant même que le repas ne démarre, les invités peuvent admirer, dans la salle même où il a lieu, la statue d'une femme nue aux pieds de laquelle est couché un lion ; la plus belle vaisselle du duc est exposée à leurs yeux sur un buffet. Déjà sont installés sur les tables des "entremets" peints sur du métal, du bois et du papier. Ces véritables pièces montées représentent une ville, un château ou bien un personnage (par exemple, saint Georges terrassant le dragon).
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Banquet et représentation
du pouvoir |
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Tout au long du banquet du Faisan, des acteurs ou des musiciens sont venus réciter un texte, chanter ou bien mimer une histoire : ce sont les entremets "mouvant et allant". Ils tracent un véritable programme politique, centré sur la croisade et exaltant la puissance ducale. Les scènes dramatiques racontent comment Jason a conquis la Toison d'or, et rappellent par là même l'Orient (but de la croisade) et l'ordre de chevalerie que vient de fonder le duc ; une dame déguisée en sainte Église et gardée par un géant "sarrasin" se plaint longuement des maux qui l'assaillent, avant que ne soit présenté le faisan (oiseau supposé venir d'Asie Mineure). C'est sur cet oiseau que chacun a fait vu de se croiser et c'est lui qui a donné son nom au banquet de Lille. Ainsi, le festin sert autant à éblouir et mobiliser les invités qu'à les nourrir.
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