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Partout dominent les
céréales. En temps normal, la ration quotidienne de pain peut monter jusqu'à
plus d'un kilogramme par personne. Ces énormes quantités de céréales procurent
l'essentiel des calories, conduisant à de graves déséquilibres nutritionnels.
La carence en vitamine A, exclusivement fournie par des produits animaux,
entraîne des risques de cécité. La préférence pour le pain blanc, débarrassé
de son, multiplie les cas de pellagre, affection cutanée. Déterminé à
assurer coûte que coûte son pain quotidien, le paysan ne sépare pas toujours
le bon grain de l'ivraie, qui contient un alcaloïde puissant. Les années
humides, de plus en plus nombreuses, favorisent enfin la prolifération
d'un parasite installé dans l'épi de seigle dont les effets neurologiques
sont destructeurs : les victimes de l'ergotisme perdent souvent leurs
membres, noircis par le mal.
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Lorsqu'il n'est plus
du tout possible de faire du pain, il faut bien se résoudre à consommer
un peu n'importe quoi. C'est le cas en 1438, où même les légumes verts
viennent à manquer à Paris en réalité ils sont si chers que
la plupart ne peuvent se les procurer. Les plus pauvres en sont réduits
à cueillir des orties, qu'ils font cuire sans matière grasse, seulement
à l'eau salée. Car les ressources offertes par la nature sauvage sont
abondantes. Au-delà de la ceinture des champs et des jardins, les bois,
prairies, landes et cours d'eau offrent les produits de la cueillette,
de la chasse et de la pêche. Mais les seigneurs ruraux accumulent les
restrictions à leur usage : les forêts sont transformées en réserves
de chasse et les retenues sur les rivières créent des étangs dont les
poissons font l'objet d'une exploitation rationnelle et intensive.
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Si l'on met à
part les mauvaises années nombreuses il est vrai ,
la situation alimentaire du paysan est sans doute meilleure vers 1450
qu'elle ne l'était vers 1250. La chute de la population a entraîné
une extension des espaces incultes. Les progrès de l'élevage
ont accompagné la croissance de la consommation de viande :
les XIVe et XVe siècles sont des siècles
carnassiers, comme on n'en retrouvera plus de sitôt.
Le régime des rustres est donc devenu plus varié et, quoique
délicates à établir, des rations quotidiennes d'environ
3 000 calories ne sont pas improbables. Cela n'empêche nullement
les romanciers, les chroniqueurs et les artistes, qui méprisent
les paysans, de les considérer toujours comme des mangeurs d'aulx
et d'oignons sans doute les aliments les plus vils que l'on
puisse imaginer dans le système de valeurs du Moyen Âge !
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