Divers extraits de recettes

 



Le blanc-manger français

"Blanc mengier d'un chapon. Cuisez-le en eau jusqu'à qu'il soit bien cuit, et broyez des amandes à grand foison, et du blanc d'un chapon bien broyé, et défaites de vostre bouillon ; passez dans l'étamine, puis mettez bouillir tant qu'il soit bien liant pour tailler, puis versez en une écuelle, puis mettez à frioler [revenir] une demi-douzaine d'amandes pelées, et posez-les sur le bout en la moitié de vostre écuelle, et en l'autre moitié des pépins de pomme de Grenade, et sucrez par-dessus."

Viandier de Taillevent (BNF, Ms Français 19791), traduction Bruno Laurioux, Le Moyen Âge à table, Paris, 1989, p. 45.

 

 

La cameline au début du XVe siècle

"Prenez du pain blanc selon la quantité de sauce à faire et mettez-le à bien rôtir sur le gril. Ayez du bon vin clairet, le meilleur possible, dans lequel vous mettrez le pain à tremper, ainsi que du vinaigre en bonne quantité. Prenez vos épices, à savoir cannelle, gingembre, graine de paradis, clou de girofle, un peu de poivre, du macis, de la noix muscade, et un peu de sucre ; mélangez tout cela avec le pain et ajoutez un peu de sel."

Maître Chiquart, Fait de cuisine, Savoie, 1420, traduction Bruno Laurioux, Le Moyen Âge à table, Paris, 1989, p. 51.

 

Une recette de cuisine pour les malades

 

"Un plat d'amandes. Prends du pain frais, bien cuit et propre, auquel tu enlèveras la croûte. Coupe ensuite en trois tranches fines, pose dans un plat, verse par-dessus de l'eau chaude en recouvrant d'une autre écuelle. Lorsque les tranches sont bien molles, prends un pilon et écrase bien le tout ; ajoute ensuite la purée d'amandes qui est restée lors de la préparation du lait d'amandes, ou bien des amandes supplémentaires, et broie bien le tout. Mets ensuite dans un récipient allongé et étroit, à feu doux sur des braises, en remuant sans arrêt jusqu'à ébullition. Ajoute un peu de sel, de sucre ou de pénides et, si tu le souhaites, du sirop. Garde couvert jusqu'au moment de servir. Ce plat ressemble à la Iunctata ou à la Zuccarata."

Petrus Musandinus, Summula de preparatione ciborum et potuum infirmorum, traduction Bruno Laurioux, "La Cuisine des médecins à la fin du Moyen Âge", dans Maladies, médecines et sociétés. Approches historiques pour le présent, t. II, Paris, 1993, p. 140.

 

 

La porée blanche


Un potage commun sans épices et non liant

"Porée blanche est dite ainsi parce qu'elle est faite du blanc des poireaux ; [elle accompagne] l'échine, l'andouille et le jambon en automne et en hiver, durant les jours de chair. Et sachez que nulle autre graisse que le porc n'est bonne. Et premièrement, on trie, émince, lave et éverde les poireaux au moins en été lorsque les poireaux sont jeunes, tandis qu'en hiver, lorsque les poireaux sont plus vieux et plus durs, il faut les parbouillir au lieu de les éverder.
Si c'est un jour de poisson, après ce qui a été dit il faut les mettre en un pot avec de l'eau chaude, et cuire ainsi : faites frire des oignons émincés puis frits, et mettez tout à cuire en un pot. En temps de charnage, utilisez du lait de vache ; les jours de poisson ou de carême, on y met du lait d'amandes.
Si c'est un jour de chair, quand les poireaux d'été auront été éverdés ou les poireaux d'hiver parbouillis, comme il a été dit, on les met à cuire en un pot avec le bouillon des salures ou du porc, avec du lard dedans."

Mesnagier de Paris, fin du XIVe siècle, traduction Bruno Laurioux, Le Moyen Âge à table, Paris, 1989, p. 60.

 

  Soupes dépourvues
 

Une cuisine de l'improviste

"Ayez du persil et faites-le frire dans le beurre, puis jetez de l'eau bouillante par-dessus et faites bouillir. Mettez du sel et dressez vos soupes comme dans une purée.
Une autre. Si vous avez du bœuf froid, alors tranchez-le bien menu, et puis broyez un peu de pain trempé dans le verjus et passez par l'étamine. Mettez en un plat, avec de la poudre d'épices par-dessus. Chauffez sur le charbon. C'est bon pour trois personnes.
Une autre, pour un jour de poisson. Prenez de l'eau, et lorsqu'elle frémit, mettez-y des amandes. Pelez alors les amandes, broyez-les et détrempez d'eau tiède. Coulez, mettez à bouillir avec de la poudre de gingembre et du safran. Dressez par écuelles, et en chaque écuelle mettez une pièce de poisson frit.
De même, si dans une hôtellerie, en hâte, l'on trouve de l'eau de la chair et que l'on veuille en faire potage, on peut y jeter des épices et faire bouillir. À la fin, filez des œufs et dressez."

Mesnagier de Paris, fin du XIVe siècle, traduction Bruno Laurioux, Le Moyen Âge à table, Paris, 1989, p. 60.

 

  L'agneau pascal

 

 

"Prends un agneau, que tu dépouilleras comme d'habitude. Ôte-lui toutes les entrailles et lave bien l'intérieur, mais garde-lui les pieds. Ensuite, prends le poumon et le foie, que tu mettras à bouillir avec les autres entrailles. Mélange cette préparation avec du persil, du lard, d'autres épices, des raisins secs et du sel. Farcis-en l'agneau et recouds-le bien.
Certains, pour cette fête, remplacent cette farce par simplement les entrailles et les herbes.
Mets enfin l'agneau tout du long sur la broche, en attachant ses pieds à la manière du lièvre, afin qu'il ne bouge pas. Ce plat conviendra aux grands".

Registrum coquine, recette n°28, manuscrit italien (Rome?), première moitié ou milieu du XVe siècle
Traduction Bruno Laurioux, "Le registre de cuisine de Jean de Bockenheim, cuisinier du pape Martin V", Mélanges de l'Ecole Française de Rome, Moyen Âge Temps modernes, t.100, 1988,2, pp. 709-760.