Un univers sensitif
Images encore, visuelles et auditives, offertes par les descriptions
flamboyantes et très précises des combats :
"Le
bronze passe droit à travers les dents et coupe la racine de
la langue" (Iliade, V, 73-74)
On voit les
guerriers s’harnacher, se heurter, le sang ruisseler, les entrailles
jaillir des corps :
"on voit même la
mœlle jaillir des vertèbres" (Iliade, XX, 483)
les blessures s’ouvrir. On entend les clameurs des combattants,
les cris de guerre, le fracas des armes qui se croisent et de la chute
des hommes en armes : "il tombe avec fracas, et ses armes
sonnent sur lui" est une phrase plusieurs fois répétée
dans l’
Iliade.
Dans l’
Odyssée, la description de la lutte contre
le Cyclope est tout aussi minutieuse et sonore :
"Comme quand le forgeron plonge une grande
hache/ou une doloire dans l’eau froide pour la tremper,/le métal
siffle, et là gît la force du fer,/ainsi son œil sifflait
sous l’action du pieu d’olivier" (Odyssée,
IX).
Images fortes, violentes, à côté d’autres
évoquant le calme et la beauté, comme chez Circé :
"L’une jetait sur les fauteuils de
superbes étoffes/de pourpre, après avoir mis dessous un
linon ;/la deuxième, face aux fauteuils, dressait des tables/en
argent, et posait dessus des corbeilles d’or ;/la troisième
mêlait un doux vin au bouquet de miel/dans un vase d’argent,
et disposait des coupes d’or" (Odyssée, X,
352-357).
Homère sollicite constamment l’ouïe et la vue, mais
aussi le goût et l’odorat, par les descriptions de festins
ou d’holocaustes aux dieux, ou encore l’évocation
du parfum des déesses : ainsi au chant XIV de l’
Iliade,
lorsque Héra se prépare pour séduire Zeus et l’endormir,
elle oint son corps :
"avec une huile grasse,
divine et suave, dont le parfum est fait pour elle ; quand elle
l’agite dans le palais de Zeus au seuil de bronze, la senteur
en emplit la terre comme le ciel".
Dans l’
Odyssée, au chant IX, le lecteur goûte
le "fruit doux comme le miel" dont se nourrissent les Lotophages,
et aspire le "parfum suave, inouï, dont on eût eu peine
à s’abstenir" du "vin rouge aussi doux que le
miel", nectar divin dont Ulysse enivre le Cyclope.