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Selon un propos rapporté par Paul Meurice, Victor Hugo déclarait dans les années 1848 : "Je n'ai encore fait que des dessins de petites dimensions. Quand trouverai-je le temps d'en faire au moins un qui soit aussi grand qu'une peinture ?" L'occasion survint en 1850. Cette année-là, au grand regret de Juliette, Victor Hugo avait renoncé au voyage estival. Dans la deuxième quinzaine d'août, il installe un atelier de peinture chez celle-ci. Les lettres de Juliette Drouet nous en livrent des épisodes : "[...] dans le cas où tu viendrais avant moi, tu trouveras ton atelier dans le même état où tu l'as laissé et tu n'auras qu'à demander à Suzanne ce qui te faut (sic) pour achever ton margouillis ton gâchis et ton infamie." (Lettre de Juliette Drouet à Victor Hugo, 28 août 1850). Il s'agit d'un atelier de fortune, puisque Victor Hugo investit la salle à manger :
À propos de voir je vous dirai que je suis déjà entrée dans la salle à manger et que j'y ai contemplé votre nouveau chef-d'œuvre. C'est vraiment miraculeux. Les tableaux à l'huile n'ont pas tant de vigueur et tant de nuances que vos simples dessins à l'encre. C'est prodigieux. Comme il était parfaitement sec je l'ai retiré avec son lit très délicatement et je l'ai posé sur la grande table sans aucun dérangement. Vous l'y trouverez quand vous viendrez ainsi que tout votre attirail de peintre et de grand artiste. |
Cet atelier va fonctionner jusqu'à la rentrée de la Chambre, en novembre, et là, vont naître les œuvres les plus fantastiques de la création graphique hugolienne. Juliette suit avec étonnement cette production, car si Victor Hugo utilise un "attirail de peintre et de grand artiste", tels la craie ou les crayons lithographiques, il recourt aussi aux légendaires "mixtures bizarres" :
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William
Shakespeare, "Reliquat" |
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Cette
réflexion éclaire l'ensemble de l'œuvre. En
portant cet intérêt aux objets de tous les jours, Hugo opère dans
le dessin la même réforme que dans ses écrits. Ce sera aussi la formule d'Andy Warhol : "Tout est beau." Réhabiliter les objets de la vie quotidienne, les surdimensionner, n'est-ce pas précisément la démarche du pop art et notamment d'artistes comme Claes Oldenburg ? Outre ces objets du quotidien, les burgs sont très présents ; souvenir du voyage sur le Rhin, où "les souvenirs des rives semblent répondre aux souvenirs des îles. [...] Toute ombre qui se dresse sur un bord du fleuve en fait dresser une autre sur l'autre bord". Monuments et fontaines se reflètent dans l'eau, se dédoublent souvent, offrant du même élément une version claire, l'autre sombre. Les villes englouties par les flots, à l'image de "La Ville disparue" de La Légende des siècles, ramènent au souvenir de Léopoldine. Alors que l'année 1850 fait date dans l'œuvre graphique du poète, la création littéraire est inexistante, comme si un transfert s'était opéré de l'inspiration lyrique vers l'œuvre graphique. En contemplant ces œuvres aux paysages déserts, aux eaux mortes, on se trouve comme en face d'un décor de théâtre en attente de ses personnages, devant une œuvre à naître. |