Marines


Je vous écris ceci un peu pêle-mêle, un peu au hasard. Rendez-vous compte de l'état de mon esprit dans la solitude splendide où je vis, comme perché à la pointe d'une roche, ayant toutes les grandes écumes des vagues et toutes les grandes nuées du ciel sous ma fenêtre. J'habite dans cet immense rêve de l'océan, je deviens peu à peu un somnambule de la mer, et, devant tous ces prodigieux spectacles et toute cette énorme pensée vivante où je m'abîme, je finis par ne plus être qu'une espèce de témoin de Dieu. C'est de cette éternelle contemplation que je m'éveille pour vous écrire.

Lettre à Franz Stevens, 10 avril 1856
   


   
 

Le ciel et la mer, indéterminés et chaotiques, où les lignes et les couleurs s'effacent sous les mouvements des vents et des vagues, sont un spectacle dont Victor Hugo ne se lasse pas. Tout comme les cieux tourmentés, le flux incessant de l'écume, les cimes nébuleuses de montagnes embrumées, le spectacle de l'infini est une source permanente d'inspiration.

 

 

Un source d'inspiration


Dès les premiers voyages, le spectacle de la mer fascine Victor Hugo. Mais c'est l'exil à Jersey puis à Guernesey qui va lui procurer sa véritable rencontre avec l'océan. Tempêtes et naufrages, univers sous-marin, rudesse de la vie des gens de mer, mouvement des vagues et leur murmure qui ressemble à des voix : c'est tout cela que contemple le poète. De là naissent poèmes et romans, des "Pauvres gens" à "Pleine mer" ; de l'univers fantastique des Travailleurs de la mer aux scènes de naufrages dans L'Homme qui rit ou Quatrevingt-treize, et nombre de dessins : tantôt sombres compositions où ciel, terre et océan s'abolissent dans un noir profond, où brouillards, flocons d'écume sont suggérés par des rehauts de gouache blanche, tantôt lavis d'encre traduisant la transparence de l'océan et la dynamique du vent et des vagues. Après l'exil, la mer reste source d'inspiration : "J'ai eu deux affaires dans ma vie, Paris et l'océan", dira-t-il en 1872.

 

 

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