Contre la misère


 

Je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère
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Discours à l’Assemblée nationale du 9 juillet 1849

 


Lorsqu’il réclame l’abolition de la peine de mort, Hugo exprime constamment sa conviction que crimes et délits sont commis par de "pauvres diables, que la faim pousse au vol, et le vol au reste ; enfants déshérités d’une société marâtre […] ; infortunés qu’avec une école et un atelier vous auriez pu rendre bons, moraux, utiles" (préface de 1832 du Dernier Jour d’un condamné) : c’est dire qu’il réclame déjà un enseignement et un travail pour tous. Cependant, même si, dès ses premières œuvres, il se montre soucieux du sort de ces malheureux, il ne s’engage activement qu’après 1848. Député à l’Assemblée constituante en juin 1848, il vote la suppression des ateliers nationaux créés pour les sans-emploi : le très grand nombre d’embauchés n’y est pas occupé. Leur fermeture déclenche l’insurrection de juin. Hugo est dans la rue du côté de l’ordre, bouleversé par la misère des insurgés. Il s’élève contre la répression et les mesures restrictives de Cavaignac. Mais c’est surtout par son discours du 9 juillet 1849 à l’Assemblée nationale, soutenant la proposition d’Armand de Melun sur des mesures de lutte contre le paupérisme, qu’il manifeste sa détermination à "détruire la misère". Il est convaincu qu’un des moyens est l’instruction gratuite et obligatoire pour tous. "Obligatoire au premier degré seulement, gratuite à tous les degrés", réclame-t-il dans son discours contre la loi Falloux (juillet 1850), qui est en outre une violente diatribe contre le parti clérical.

 

 

La visite des caves de Lille 


Je vous dénonce la misère, qui est le fléau d’une classe et le péril de toutes ! Je vous dénonce la misère qui n’est pas seulement la souffrance de l’individu, qui est la ruine de la société, la misère qui a fait les jacqueries […], qui a fait juin 1848.

Discours non prononcé,
rédigé après la visite des caves de Lille


   


À la demande et sous la conduite de l’économiste Adolphe Blanqui, qui vient de publier une terrible enquête sur les classes ouvrières en 1848, Victor Hugo, accompagné de médecins et de quelques autres "autorités", se rend en février 1851 à Lille, afin de constater sur place les conditions de logement des ouvriers de l’industrie textile, décrites par Blanqui dans son rapport. Il est horrifié par ce qu’il découvre : chaque famille vit et travaille à domicile dans des conditions épouvantables, entassée dans des caves insalubres.

À son retour, Hugo rédige pour l’Assemblée un discours, relatant avec force détails sa visite, citant "les premiers faits venus, ceux que le hasard nous a donnés dans une visite qui n’a duré que quelques heures. Ces faits ont au plus haut degré tout le caractère d’une moyenne. Ils sont horribles". Ce discours, il ne le prononcera pas, mais il l’utilisera plus tard pour un poème de Châtiments, "Joyeuse vie".