Pochoirs

  Dès les années 1850, Victor Hugo découpe des papiers pour obtenir, en réserve, la forme du soleil, de la lune ; de même ce dessin de coq, au lavis d'encre, a été obtenu par application d'un papier découpé.


À partir de son exil à Jersey, en 1854, Victor Hugo multiplie le recours aux pochoirs – ce mot n'apparaît toutefois dans le dictionnaire de l'Académie qu'en 1935. L'influence de la photographie est évidente. Peut-être s'y est-il ajouté l'influence des pays nordiques : cette pratique devait être répandue dans les pays anglo-saxons, comme elle l'était dans les pays scandinaves, à en juger par les nombreux papiers découpés exécutés par Andersen, conservés à la Maison de l'écrivain. La mode du jeu de silhouettes, la clarté de l'atmosphère des îles Anglo-Normandes qui confère aux paysages une grande netteté de contours ont dû également jouer un rôle dans l'adoption par Hugo de ce procédé. C'était aussi renouer avec une pratique séculaire des enlumineurs, dont il arrive au poète de se réclamer. L'emploi des papiers découpés se poursuivra au-delà des années d'exil dans les îles Anglo-Normandes : certains sont encore utilisés en 1871.

 

 

Techniques et usages d'une grande variété


Les papiers découpés sont employés d'abord pour réserver en clair une silhouette sur un fond sombre, ou, au contraire, avec l'autre partie du pochoir pour obtenir une silhouette sombre sur un fond clair. Puis on assiste à une évolution de la technique : le papier découpé, lui-même encré, sert à définir un contour, mais est en même temps utilisé comme empreinte. Victor Hugo passe également du papier découpé à toutes sortes d'empreintes : dentelle, végétaux, pièce de monnaie, bouteille...
   


   

Les découpages sont d'une extrême variété ; sans doute les motifs architecturaux sont-ils les plus nombreux ; mais figurent aussi un voilier, des tombes, des lettres, des feuilles de papier, un motif héraldique... Il n'existe qu'une seule marine, comme si le découpage définissait un espace qui ne peut traduire l'océan. Les paysages sont rares : à l'instar de la photographie, il y a un "zoom" sur un objet précis.

 

 

 


Même diversité dans les matériaux employés, certains apportant des éléments ou indices pour la datation : programmes de concerts à Jersey, papier d'emballage, tract religieux, enveloppes réutilisées portant des cachets postaux, papier à dessin. Ils sont appliqués tantôt au fusain, tantôt à l'encre et aux barbes de plume ; on distingue souvent aussi l'emploi du crayon sous l'encre et le lavis. Mais, si le pochoir implique l'idée de stencil et de reproduction quasi mécanique, en réalité, rares sont les exemples de pochoirs ayant servi plusieurs fois. Et, lorsque c'est le cas, la comparaison des œuvres issues du même découpage est riche d'enseignement. Leur utilisation est fantaisiste ; la forme du découpage a pu subir de multiples variantes au moment de l'application : ainsi remarque-t-on que certains ont été pliés ; il semble que Victor Hugo ait employé ces pochoirs par fragments ; ailleurs, l'espace en réserve a été extrêmement retravaillé. L'identification des découpages n'est donc pas toujours aisée.

 

 
  





 

Toutes ces œuvres étaient destinées à être offertes pour les étrennes, ou à l'occasion d'une visite, voire publiées, comme le projet de frontispice pour Les Orientales, tandis que les découpages demeurent dans les papiers de l'écrivain, tels les "copeaux" de ses œuvres littéraires. Enfin, le poète invente en quelque sorte les collages picturaux, en appliquant plusieurs pochoirs dans une même composition, ou en les combinant avec d'autres empreintes.

 

 

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