Déruchette

   
 

Déruchette avait les plus jolies petites mains du monde et des pieds assortis aux mains, quatre pattes de mouche, disait mess Lethierry. Elle avait dans toute sa personne la bonté et la douceur, pour famille et pour richesse mess Lethierry, son oncle, pour travail de se laisser vivre, pour talent quelques chansons, pour science la beauté, pour esprit l'innocence, pour
   

 

   
cœur l'ignorance ; elle avait la gracieuse paresse créole, mêlée d'étourderie et de vivacité, la gaîté taquine de l'enfance avec une pente à la mélancolie, des toilettes un peu insulaires, élégantes, mais incorrectes, des chapeaux de fleurs toute l'année, le front naïf, le cou souple et tentant, les cheveux châtains, la peau blanche avec quelques taches de rousseur l'été, la bouche grande et saine, et sur cette bouche l'adorable et dangereuse clarté du sourire. C'était là Déruchette.

 

 

Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer
Extrait du texte intégral sur Gallica.