Un châtiment des origines
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Dans toutes les civilisations
de l'Antiquité, les crimes jugés particulièrement graves
parce qu'ils menacent l'ordre familial, social, politique ou religieux sont
punis de mort. À l'origine, c'est un système de vengeance privée qui domine : la famille de la victime tue le coupable ou l'un de ses proches. Peu à peu, c'est la société elle-même, par l'intermédiaire d'institutions judiciaires, qui prend le relais de la vengeance individuelle. Mais les deux systèmes coexistent longtemps, et ce jusqu'à aujourd'hui dans certaines régions du monde. Ainsi, les anciens Égyptiens et Hébreux tolèrent le règlement de comptes privé ; pourtant, ce sont eux qui rédigent les premiers codes de lois prescrivant pour chaque crime et délit une peine donnée. Les textes fondateurs des religions monothéistes (judaïsme, religions chrétiennes, islam) mentionnent explicitement ce châtiment, par exemple dans les cas de meurtre, de blasphème, d'idolâtrie, d'adultère des femmes. |
Sous l'Ancien Régime
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En France, torture
et exécutions publiques sont toujours d'actualité. Les supplices
les plus atroces sont réservés aux cas de "lèse-majesté",
c'est-à-dire d'attentat à la personne du roi. L'idée
d'amender, d'éduquer, de "réinsérer" les
coupables dans la société est encore presque absente. Il s'agit
toujours de faire régner un certain ordre par l'exemple, dans une
société bien moins sûre que la nôtre. Pourtant, une réforme importante (et très critiquée) a lieu en 1780. Modifiant le système pénal, Louis XVI supprime la "question préparatoire" (torture des prisonniers avant le jugement, pour les faire avouer) et la "question préalable" (torture après le jugement, pour que les prisonniers dénoncent d'éventuels complices). Bien plus radicalement, le Traité des délits et des peines du marquis de Beccaria (1764) fait grand bruit dans toute l'Europe, en préconisant l'abandon pur et simple de la peine de mort. |
De la Révolution à nos jours
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Pendant la Révolution
française, la question de l'abolition, totale ou partielle, est déjà
débattue dans les assemblées. Parmi les plus ardents partisans
de sa suppression figure alors
Robespierre, responsable par la suite
de tant de décapitations sous la Terreur. Mais, dira Victor Hugo,
"l'échafaud est le seul édifice que les révolutions
ne démolissent pas" : les partisans du maintien l'emportent. Une nouvelle machine s'impose en France : la guillotine, censée exécuter sans douleur. (Plusieurs récits de Victor Hugo montrent pourtant que les dysfonctionnements de la machine ne sont pas rares, et qu'ils peuvent entraîner une terrible agonie.) Maintenue sous le Consulat, l'Empire, la Restauration, la peine de mort survit à tous les régimes jusqu'à la Ve République. Même les révolutions de 1830 et 1848 ne peuvent la faire disparaître, malgré les efforts de Victor Hugo à l'Assemblée. Ainsi, la Commune de Paris (1871) est réprimée dans le sang. Indigné, Victor Hugo (opposé à la Commune) proteste contre les procès expéditifs qui font fusiller des milliers de jeunes gens et de femmes. En intervenant à temps, il parvient même à sauver la vie de plusieurs personnes. Au même moment, à travers le monde, un mouvement vers l'abolition se dessine. Nombreux sont les États qui l'excluent de leur nouvelle Constitution. Au XXe siècle, presque partout, l'opinion publique soutient majoritairement la peine capitale. Sa suppression ne peut donc résulter que d'une difficile décision politique. Abolie un temps par la Cour suprême des États-Unis (1972), elle est rétablie par la suite dans plusieurs États. Enfin, bien après l'Allemagne fédérale (1949) ou la Grande-Bretagne (1965), le gouvernement français, sous la présidence de François Mitterrand, l'abolit totalement par la loi du 9 octobre 1981. L'avocat et ministre de la Justice Robert Badinter a joué un rôle décisif dans ce changement. À l'échelle mondiale, le combat mené par Victor Hugo est encore loin d'être achevé aujourd'hui. |