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Pour Victor Hugo,
agir contre la peine capitale, ce n'est pas seulement éviter la mort
de tel ou tel condamné, alerter l'opinion, réclamer une justice
plus humaine. C'est aussi et surtout lutter autrement contre le crime, comprendre
les raisons de ce mal qui ronge la société. Très tôt,
bien avant d'écrire Les Misérables, il étend
sa réflexion à la question sociale. C'est dans cet esprit qu'il écrit, à partir d'un fait divers authentique, l'histoire de Claude Gueux. Cet homme au nom évocateur est poussé au vol par la misère. En prison, il assassine un directeur d'atelier tyrannique ; condamné à mort, il est exécuté en 1831. Pour Hugo, sa destinée est le symbole de l'échec de la société. Si le voleur ou le meurtrier sont coupables, la société doit aussi porter sa part de responsabilité. Qui est responsable du crime ? |
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"Voyez
Claude Gueux. Cerveau bien fait, cur bien fait, sans nul doute. Mais
le sort le met dans une société si mal faite, qu'il finit
par voler : la société le met dans une prison si mal
faite, qu'il finit par tuer. Qui est réellement coupable ? Est-ce lui ? Est-ce nous ?"
"De deux choses l'une : Ou l'homme que vous frappez est sans famille, sans parents, sans adhérents dans ce monde. Et dans ce cas, il n'a reçu ni éducation, ni instruction, ni soins pour son esprit, ni soins pour son cur ; et alors de quel droit tuez-vous ce misérable orphelin ? Vous le punissez de ce que son enfance a rampé sur le sol sans tige et sans tuteur ! Vous lui imputez à forfait l'isolement où vous l'avez laissé ! De son malheur vous faites son crime ! Personne ne lui a appris à savoir ce qu'il faisait. Cet homme ignore. Sa faute est à sa destinée, non à lui. Vous frappez un innocent. Ou cet homme a une famille ; et alors croyez-vous que le coup dont vous l'égorgez ne blesse que lui seul ? que son père, que sa mère, que ses enfants, n'en saigneront pas ? Non. En le tuant, vous décapitez toute sa famille. Et ici encore vous frappez des innocents. Gauche et aveugle pénalité, qui, de quelque côté qu'elle se tourne, frappe l'innocent ! Cet homme, ce coupable qui a une famille, séquestrez-le. Dans sa prison, il pourra travailler encore pour les siens. Mais comment les fera-t-il vivre du fond de son tombeau ?"
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La maladie du siècle : la misère
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"Le
peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime
ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le
bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. Vous avez trop de forçats,
vous avez trop de prostituées. Que prouvent ces deux ulcères ? Que le corps social a un vice dans le sang. Vous voilà réunis en consultation au chevet du malade ; occupez-vous de la maladie. Cette maladie, vous la traitez mal. Étudiez-la mieux."
"Messieurs, je le dis avec douleur, le peuple sur qui tout retombe, qui endure la peine, la fatigue, les famines, les hivers rudes, dont les enfants, durement exploités, subissent le labeur malsain des manufactures, dont les fils paient tous inexorablement l'impôt militaire, le peuple qui est la force de la nation, qui a tous les bons instincts de la paix et qui fait toutes les grandes choses de la guerre, le peuple qui, dans l'état social tel qu'il est, porte tant de fardeaux, porte aussi, plus que toutes les autres classes, le poids de la pénalité. Ce n'est pas sa faute. Pourquoi ? Parce que les lumières lui manquent d'un côté, parce que le travail lui manque de l'autre. Trop souvent du moins. D'un côté les besoins le poussent, de l'autre aucun flambeau ne l'éclaire. De là les chutes."
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L'éducation, la religion et le travail contre le crime |