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Tout à coup le président, qui n'attendait
que l'avocat, m'invita à me lever. La troupe porta les armes ;
comme par un mouvement électrique, toute l'assemblée fut
debout au même instant. Une figure insignifiante et nulle, placée
à une table au-dessous du tribunal, c'était, je pense, le
greffier, prit la parole, et lut le verdict que les jurés avaient
prononcé en mon absence. Une sueur froide sortit de tous mes membres ;
je m'appuyai au mur pour ne pas tomber.
Avocat, avez-vous quelque chose à dire sur l'application
de la peine ? demanda le président.
J'aurais eu, moi, tout à dire, mais rien ne me vint. Ma langue
resta collée à mon palais.
Le défenseur se leva.
Je compris qu'il cherchait à atténuer la déclaration
du jury, et à mettre dessous, au lieu de la peine qu'elle provoquait,
l'autre peine, celle que j'avais été si blessé de
lui voir espérer.)
Il fallut que l'indignation fût bien forte, pour se faire jour à
travers les mille émotions qui se disputaient ma pensée.
Je voulus répéter à haute voix ce que je lui avais
déjà dit : Plutôt cent fois la mort ! Mais
l'haleine me manqua, et je ne pus que l'arrêter rudement par le
bras, en criant avec une force convulsive : Non !
Le procureur général combattit l'avocat, et je l'écoutai
avec une satisfaction stupide. Puis les juges sortirent, puis ils rentrèrent,
et le président me lut mon arrêt.
Condamné à mort ! dit la foule ; et, tandis
qu'on m'emmenait, tout ce peuple se rua sur mes pas avec le fracas d'un
édifice qui se démolit. Moi, je marchais, ivre et stupéfait.
Une révolution venait de se faire en moi. Jusqu'à l'arrêt
de mort, je m'étais senti respirer, palpiter, vivre dans le même
milieu que les autres hommes ; maintenant je distinguais clairement
comme une clôture entre le monde et moi. Rien ne m'apparaissait
plus sous le même aspect qu'auparavant. Ces larges fenêtres
lumineuses, ce beau soleil, ce ciel pur, cette jolie fleur, tout cela
était blanc et pâle, de la couleur d'un linceul. Ces hommes,
ces femmes, ces enfants qui se pressaient sur mon passage, je leur trouvais
des airs de fantômes.
Au bas de l'escalier, une noire et sale voiture grillée m'attendait.
Au moment d'y monter, je regardai au hasard dans la place. Un condamné
à mort ! criaient les passants, en courant vers la voiture.
À travers le nuage qui me semblait s'être interposé
entre les choses et moi, je distinguai deux jeunes filles qui me suivaient
avec des yeux avides. Bon, dit la plus jeune en battant des mains,
ce sera dans six semaines !
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