Lettre à M. Bost

 

Le combat perdu à Guernesey n'a pas été mené en vain. Contre toute attente, c'est au Québec que Hugo sera entendu.

 
   
 

Il y a huit ans, à Guernesey, en 1854, un homme nommé Tapner fut condamné au gibet ; j'intervins, un recours en grâce fut signé par six cents notables de l'île, l'homme fut pendu ; maintenant, écoutez : quelques-uns des journaux d'Europe qui contenaient la lettre écrite par moi aux Guernesiais pour empêcher le supplice arrivèrent en Amérique à temps pour que cette lettre pût être reproduite utilement par les journaux américains ; on allait pendre un homme à Québec, un nommé Julien ; le peuple du Canada considéra avec raison comme adressée à lui-même la lettre que j'avais écrite au peuple de Guernesey, et, par un contrecoup providentiel, cette lettre sauva, passez-moi l'expression, non Tapner qu'elle visait, mais Julien qu'elle ne visait pas. Je cite ces faits ; pourquoi ? parce qu'ils prouvent la nécessité de persister.

 
 

Victor Hugo, "Lettre à M. Bost, pasteur à Genève,
17 nov. 1862", Actes et paroles II – Pendant l'exil.
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