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Le jour ne tarda pas à poindre à l'horizon.
En même temps que le jour, une chose étrange, immobile, surprenante,
et que les oiseaux du ciel ne connaissaient pas, apparut sur le plateau
de la Tourgue au-dessus de la forêt de Fougères.
Cela avait été mis là dans la nuit. C'était
dressé, plutôt que bâti. De loin sur l'horizon c'était
une silhouette faite de lignes droites et dures ayant l'aspect d'une lettre
hébraïque ou d'un de ces hiéroglyphes d'Égypte
qui faisaient partie de l'alphabet de l'antique énigme.
Au premier abord, l'idée que cette chose éveillait était
l'idée de l'inutile. Elle était là parmi les bruyères
en fleur. On se demandait à quoi cela pouvait servir. Puis on sentait
venir un frisson. C'était une sorte de tréteau ayant pour
pieds quatre poteaux. À un bout du tréteau, deux hautes
solives, debout et droites, reliées à leur sommet par une
traverse, élevaient et tenaient suspendu un triangle qui semblait
noir sur l'azur du matin. À l'autre bout du tréteau, il
y avait une échelle. Entre les deux solives, en bas, au-dessous
du triangle, on distinguait une sorte de panneau composé de deux
sections mobiles qui, en s'ajustant l'une à l'autre, offraient
au regard un trou rond à peu près de la dimension du cou
d'un homme. La section supérieure du panneau glissait dans une
rainure, de façon à pouvoir se hausser ou s'abaisser. Pour
l'instant, les deux croissants qui en se rejoignant formaient le collier
étaient écartés. On apercevait au pied des deux piliers
portant le triangle une planche pouvant tourner sur charnière et
ayant l'aspect d'une bascule. À côté de cette planche
il y avait un panier long, et entre les deux piliers, en avant, et à
l'extrémité du tréteau, un panier carré. C'était
peint en rouge. Tout était en bois, excepté le triangle
qui était en fer. On sentait que cela avait été construit
par des hommes, tant c'était laid, mesquin et petit ; et cela
aurait mérité d'être apporté là par
des génies, tant c'était formidable.
Cette bâtisse difforme, c'était la guillotine.
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