"Donjon et guillotine, le fantôme et le spectre"

 

La Tourgue fut dessinée par Hugo à partir de la tour Mélusine, l'une des tours du château de Fougères, la ville natale de Juliette Drouet. Cette tour symbolise les origines communes de Gauvain et de Lantenac et apparaît comme le point de rencontre de tous les fils narratifs du roman. C'est là que le drame final se noue et c'est dans cet espace qu'est conduit l'absolu de l'horreur selon Hugo, la guillotine.

 
    
 

La Tourgue, devant la redoutable apparition, avait on ne sait quoi d'effaré. On eût dit qu'elle avait peur. La monstrueuse masse de granit était majestueuse et infâme, cette planche avec son triangle était pire. La toute-puissante déchue avait l'horreur de la toute-puissante nouvelle. L'histoire criminelle considérait l'histoire justicière. La violence d'autrefois se comparait à la violence d'à présent ; l'antique forteresse, l'antique prison, l'antique seigneurie, où avaient hurlé les patients démembrés, la construction de guerre et de meurtre, hors de service et hors de combat, violée, démantelée, découronnée, tas de pierres valant un tas de cendres, hideuse, magnifique et morte, toute pleine du vertige des siècles effrayants, regardait passer la terrible heure vivante. Hier frémissait devant Aujourd'hui, la vieille férocité constatait et subissait la nouvelle épouvante, ce qui n'était plus que le néant ouvrait des yeux d'ombre devant ce qui était la terreur, et le fantôme regardait le spectre.

 
 

Victor Hugo, Quatrevingt-treize, 3e partie, VII, 6