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Donc, vers quatre heures du matin, le souffle gai et
froid de l'aube entra par la vitre abaissée et me frappa au visage
; je m'éveillai à demi, ayant déjà l'impression
confuse des objets réels, et conservant encore assez du sommeil
et du rêve pour suivre de l'œil un petit nain fantastique vêtu
d'une chape d'or, coiffé d'une perruque rouge, haut comme mon pouce,
qui dansait allégrement derrière le postillon, sur la croupe
du cheval porteur, faisant force contorsions bizarres, gambadant comme
un saltimbanque, parodiant toutes les postures du postillon, et esquivant
le fouet avec des soubresauts comiques quand par hasard il passait près
de lui. De temps en temps ce nain se retournait vers moi, et il me semblait
qu'il me saluait ironiquement avec de grands éclats de rire. Il
y avait dans l'avant-train de la voiture un écrou mal graissé
qui chantait une chanson dont le méchant petit drôle paraissait
s'amuser beaucoup. Par moments, ses espiègleries et ses insolences
me mettaient presque en colère, et j'étais tenté
d'avertir le postillon. Quand il y eut plus de jour dans l'air et moins
de sommeil dans ma tête, je reconnus que ce nain sautant dans sa
chape d'or était un petit bouton de cuivre à houppe écarlate
vissé dans la croupière du cheval. Tous les mouvements du
cheval se communiquaient à la croupière en s'exagérant,
et faisaient prendre au bouton de cuivre mille folles attitudes. - Je
me réveillai tout à fait.
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