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Lettre x.
Cologne.
Bords du Rhin, Andernach, 11 août.
Cher ami, je suis indigné contre moi-même. J'ai traversé
Cologne comme un barbare. A peine y ai-je passé quarante-huit heures.
Je comptais y rester quinze jours, mais, après une semaine presque
entière de brume et de pluie, un si beau rayon de soleil est venu
luire sur le Rhin, que j'ai voulu en profiter pour voir le paysage du
fleuve dans toute sa richesse et dans toute sa joie. J'ai donc quitté
ce matin Cologne par le bateau à vapeur le Cockerill. J'ai
laissé la ville d'Agrippa derrière moi, et je n'ai vu ni
les vieux tableaux de Sainte-Marie au capitole ; ni la crypte pavée
de mosaïques de Saint-Géréon ; ni la crucifixion
de saint Pierre, peinte par Rubens pour la vieille église demi-romaine
de Saint-Pierre où il fut baptisé ; ni les ossements des
onze mille vierges dans le cloître des ursulines ; ni le cadavre
imputréfiable du martyr Albinus ; ni le sarcophage d'argent de
saint Cunibert ; ni le tombeau de Duns Scotus dans l'église des
minorites ; ni le sépulcre de l'impératrice Théophanie,
femme d'Othon II, dans l'église de Saint-Pantaléon ; ni
le Maternus-Gruft dans l'église de Lisolphe ; ni les deux chambres
d'or du couvent de Sainte-Ursule et du dôme ; ni la salle des diètes
de l'empire, aujourd'hui entrepôt de commerce ; ni le vieux arsenal,
aujourd'hui magasin de blé. Je n'ai rien vu de tout cela. C'est
absurde, mais c'est ainsi.
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