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Rien ne se ressemble moins en apparence qu'un arbre
et un fleuve ; au fond pourtant l'arbre et le fleuve ont la même
ligne génératrice. Examinez, l'hiver, un arbre dépouillé
de ses feuilles, et couchez-le en esprit à plat sur le sol, vous
aurez l'aspect d'un fleuve vu par un géant à vol d'oiseau.
Le tronc de l'arbre, ce sera le fleuve ; les grosses branches, ce seront
les rivières ; les rameaux et les ramuscules, ce seront les torrents,
les ruisseaux et les sources ; l'élargissement de la racine, ce
sera l'embouchure. Tous les fleuves, vus sur une carte géographique,
sont des arbres qui portent des villes tantôt à l'extrémité
des rameaux comme des fruits, tantôt dans l'entre-deux des branches
comme des nids ; et leurs confluents et leurs affluents innombrables imitent,
suivant l'inclinaison des versants et la nature des terrains, les embranchements
variés des différentes espèces végétales,
qui toutes, comme on sait, tiennent leurs jets plus ou moins écartés
de la tige selon la force spéciale de leur sève et la densité
de leur bois. Il est remarquable que si l'on considère le Rhin
de cette façon, l'idée royale qui semble attachée
à ce robuste fleuve ne l'abandonne pas. L'Y de presque tous les
affluents du Rhin, de la Murg, du Neckar, du Mein, de la Nahe, de la Lahn,
de la Moselle et de l'Aar, a une ouverture d'environ quatre-vingt-dix
degrés. Bingen, Niederlahnstein, Coblentz sont dans des angles
droits. Si l'on redresse par la pensée debout sur le sol l'immense
silhouette géométrale du fleuve, le Rhin apparaît
portant toutes ses rivières à bras tendu et prend la figure
d'un chêne.
Les innombrables ruisseaux dans lesquels il se divise avant d'arriver
à l'océan sont ses racines mises à nu.
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