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J’ai
une mission […]. Je parlerai pour tous les taciturnes désespérés.
Je traduirai les bégaiements. Je traduirai les grondements, les
hurlements, les murmures, la rumeur des foules, les plaintes mal prononcées,
les voix inintelligibles.
L’Homme
qui rit
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Devenir le "Verbe du Peuple", se faire voix pour l’Innombrable et l’Inarticulé,
c’est vers cette ambition immense, interminable, que tend toute la poésie
de Victor Hugo. Capter jusqu’à l’Insaisissable et lui donner déploiement
dans une langue neuve : "Plus de mot sénateur ! Plus
de mot roturier !" Une langue épousant le mouvement du vent,
du feu, des esprits invisibles, leur galop fugitif ou leurs oracles sibyllins.
Rendre visible l’Invisible et prêter à l’oreille le prolongement
de la vision, tel est aussi l’éclatant défi qui constitue
le poète. Inventer des formes et donner à voir ce qui semblait
le plus éloigné : le murmure, l’Orient, l’infiniment
petit dans son incessant passage à l’infiniment grand, le monde
ou encore, dans sa grande complexité "lugubre et rayonnante", cette
énigme sacrée qu’est l’Homme.
Écrire-dessiner-rêver, laisser chanter le vert, le bleu,
le feu et l’or, ou – à l’inverse – sonder l’Ombre : peu importe
car tout se rejoint dans le mouvement.
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