Voyage et vision

 

J’ai erré, j’ai regardé, j’ai songé. Je me suis couché à plat ventre au bord du précipice et j’ai avancé la tête pour fouiller du regard dans l’abîme.

Lettre à Adèle Hugo, 1839

 

Les voyages ont occupé dans la vie de Victor Hugo une place importante : ceux de son enfance, celui qu’il entreprend avec Nodier en 1825, et ceux qu’il accomplit à travers l’Europe avec Juliette Drouet à partir de 1834. Ils sont pour lui l’occasion d’un renouvellement profond de son inspiration graphique et littéraire. Notations hâtives, amorces de vers ou croquis sur le vif constituent les premières étapes d’une écriture "à étages" qui se déclenche au contact des "choses vues" : "J’écris avec les mots que la chose me jette."
Pourtant, de tous ses voyages, celui sur le Rhin est le seul à avoir donné lieu à une publication. Les dessins jetés au crayon dans les carnets sont repris à l’encre dans l’album et les quelques mots ajoutés parfois en légende deviennent, dans le texte final, le noyau d’un long développement. Ce récit qui, comme l’explique Hugo dans sa préface, "a un fleuve pour sujet" et "commence comme un ruisseau" est un ouvrage de poète où l’imagination l’emporte sur le reportage, où le fantastique s’entremêle sans cesse au détail précis.

En proie aux "grossissements de la rêverie", le regard du voyageur ne cesse d’osciller entre le réel et l’imaginaire car, si le voyage est aussi initiation, il comporte sa descente aux enfers : "Tous les monstres de l’ombre se réveillent et commencent à fourmiller."
Ce qui n’empêche pas la méditation poétique de Hugo de se transformer parfois en prophétie politique : "Cet admirable fleuve laisse entrevoir à l’œil du poète comme à l’œil du publiciste, sous la transparence de ses flots, le passé et l’avenir de l’Europe."

 

 

Les documents



Carnet de 1836-1840
Le Rhin
Album de voyage
Projet de frontispice
Carnet de 1843-1849