La vocation de l'exil

 

Je t’aime, exil ! Douleur, je t’aime !
Tristesse, sois mon diadème !
Je t’aime, altière pauvreté !
J’aime ma porte aux vents battue.

Châtiments, II

 

La résistance de Victor Hugo au coup d’État du 2 décembre 1852 de Louis Napoléon Bonaparte le range dans le camp des proscrits. Recherché, condamné, il réussit à s’échapper à Bruxelles : c’est le début d’un exil qui durera dix-neuf ans. Dès lors, il n’aura de cesse de défendre farouchement la république, que ce soit sur le mode de l’ironie avec Napoléon-le-Petit, ou par l’éloquence poétique des Châtiments. Contraint de quitter la Belgique puis Jersey, il s’installe dans l’île voisine de Guernesey, où il achète une maison, Hauteville House.

Loin de l’affliger, l’éloignement est l’occasion d’une renaissance, d’une distanciation propre à sacraliser un verbe devenu prophétique : "Ma parole dans l’exil n’est pas ma parole ; ce n’est autre chose que l’éternelle vibration sonore de la vérité et de la justice dans l’infini."
T
out en gardant vivace la "colère sacrée contre le crime", il a "senti l’immensité mêler à cette colère son élargissement serein" ; il a trouvé "la paix, le repos, un apaisement sévère et profond".

Comme si l’exil n’était au fond que l’accomplissement d’une vocation, initiée par les grandes figures de proscrits qui ont peuplé son univers, des figures du père (le parrain Lahorie, Chateaubriand ou Napoléon Ier) aux figures fictives (Hernani, Barberousse des Burgraves et Jean Valjean). Être banni, c’est avoir "une conscience contente", "un ciel serein devant soi" ; c’est aussi devenir prophète en laissant s’exprimer la "bouche d’ombre", tant d’un point de vue graphique que littéraire.

 

 

Les documents



Hugo à Jersey sur le rocher "des proscrits"
"La Conscience"
Châtiments
"EXIL"
"Fracta sed invicta"