Signifiant littéralement "rougeoiment", "affection", "émotion", le terme raga d'origine sanskrite ne possède pas d'équivalent dans le vocabulaire français. Ni mode, ni thème musical, le raga serait plutôt, selon le mot de Philippe Stern, "l'approfondissement de l'idée de mode". Cette coloration musicale particulière qu'est chaque raga naît du choix du mode et des notes principales, des degrés à éviter, des mouvements ascendants et descendants, des enchaînements. L'objet du raga, son essence en même temps, s'identifie à l'émotion créée dans l'esprit de l'auditeur : dévotion religieuse, mélancolie du crépuscule, douleur d'une séparation... En affinité avec une heure, un jour, une saison, le raga pénètre la fragilité de l'instant, autant qu'il s'en inspire ; pénétrant cette fragilité, il la rend à l'éternité. Le raga "Printemps" (Vasanta en sanskrit) se joue à la saison correspondante ; le raga "Nuage" (Megha en sanskrit), à la saison des pluies ; tel autre inaugure l'aube ou célèbre la nuit. Certes, les siècles durant, la correspondance entre un raga et le moment de son exécution a pu varier selon les multiples traditions musicologiques indiennes.
De nombreux traités (en sanskrit, hindi, persan), tels que "La Mine de gemmes de la musique" (Samgita-ratnakara, par Sarngadeva XIIIe siècle), "Le miroir de la musique" (Samgita-darpana, par Damodara Mira, 1625), ont étudié systématiquement les ragas : à la profusion des textes répond la diversité des classements. Ainsi, selon O. C. Gangoly, le Natyalocana (ca 850-1000) distingue trois groupes de ragas : suddha, salamka et sandhi ; dans son raga-vibodha (1609), Somanatha différencie ragas majeurs (mela-ragas) et dérivés (janya-ragas) ; plus récemment, d'autres auteurs les classent en ragas mâles et raginis femelles (épouses des ragas mâles), avec, parfois, les fils (putra) et les épouses de ces derniers.