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La question de l'image en Islam

Pureté de l'écriture coufique de large module
Pureté de l'écriture coufique de large module

© Bibliothèque nationale de France

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Considérée bien souvent comme la principale caractéristique de l’art islamique, la calligraphie investit très tôt le champ artistique. L’écriture arabe, peu utilisée avant la révélation coranique, connaît avec l’essor de l’Islam un formidable élan.

Dès les débuts de l'Islam s'est donc construit, en dehors de la figuration, un art spécifique basé sur la calligraphie, l'ornement géométrique et l'arabesque. L'art de l'enluminure qui s'est d'abord déployé avec virtuosité dans les corans a ensuite gagné les ouvrages à caractère profane, particulièrement en Iran, dans les domaines de la littérature et de la poésie.

Considérée bien souvent comme la principale caractéristique de l’art islamique, la calligraphie investit très tôt le champ artistique. L’écriture arabe, peu utilisée avant la révélation coranique, connaît avec l’essor de l’Islam un formidable élan. Tout en assurant son rôle premier de communication, elle prend très vite un caractère sacré lié au fait qu’elle transcrit le Coran. Durant les premières décennies de l’islam, alors que se développent des formes d’écriture propres à un usage administratif, l’écriture arabe réservée à la copie du Coran, plus soignée, témoigne de la volonté de glorifier la parole divine.

La préoccupation esthétique est absente des premiers Corans en écriture hijâzî de la fin du 7e siècle. Elle est présente, en revanche, dans les graphies hiératiques qui naissent au 8e siècle et s’épanouissent pendant plus de deux cents ans dans l’ensemble de l’empire musulman. Ces écritures sont traditionnellement qualifiées de « coufiques », d’après la ville de Kufa, en Iraq.

Or, noir, bleu et jaune dans une page d’écriture maghrébine
Or, noir, bleu et jaune dans une page d’écriture maghrébine |

© Bibliothèque nationale de France

Les manuscrits sur parchemin (dont un grand nombre subsiste encore) témoignent, par leur mise en page et la perfection des tracés, de la dextérité des copistes. L’écriture, anguleuse et épaisse, ne permet la copie que de quelques lignes par feuillet, ce qui explique la production de Corans en plusieurs volumes, jusqu’à trente. Pour que le texte s’inscrive harmonieusement dans l’espace qui lui est imparti, le calligraphe exploite toutes les possibilités qu’il a alors : il étire les lettres en longueur, les resserre, coupe à l’intérieur des mots – césures qui seront par la suite proscrites. Durant le 10e siècle, alors que le papier supplante le parchemin, le coufique est remplacé par un style aux lignes brisées, lui-même vite écarté au profit d’écritures cursives proches de celles utilisées couramment. Désormais employées pour tous les types d’ouvrages, ces graphies au tracé plus souple rompent l’unité graphique du monde musulman : le naskhî, toujours en usage aujourd’hui, se répand dans tout l’Orient musulman, tandis que le maghribî s’installe au Maghreb et en Andalousie. Délaissé pour la copie du Coran, le coufique continue néanmoins à être utilisé pour ornementer les titres de sourates, ou dans les décors de pierre et de céramique.



Le point mesure et la lettre alif
 
Le point mesure et la lettre alif
 

Durant la même période s’élabore un véritable savoir calligraphique, codifié par des maîtres prestigieux de la cour abbasside, tels le vizir Ibn Muqla (mort en 940) ou Ibn al-Bawwâb (mort en 1022). Ils instaurent un système de règles théorisant « l’écriture bien proportionnée ». On trace à partir de la première lettre de l’alphabet, alif, un cercle de référence à l’intérieur duquel toutes les autres lettres doivent s’inscrire. Ce système est complété par l’emploi du point mesure – obtenu avec la pointe biseautée d’un calame – qui permet de fixer les proportions de chaque lettre. C’est à Yâqût al-Musta’simî (mort à Bagdad en 1298) que reviennent les derniers perfectionnements du naskhî et la formalisation de « six styles » canoniques.

Durant les siècles suivants, Persans et Ottomans, qui ont adopté l’alphabet arabe pour noter leur propre langue, donnent une impulsion nouvelle à ces styles et en inventent de nouveaux. Au début du 14e siècle naît le nasta‘lîq, synthèse entre le ta‘lîq (« suspendu »), réservé à la chancellerie, et le naskhî. Ce nouveau style triomphera dans la mise en page de la poésie persane.

Virtuosité d’une écriture persane
Virtuosité d’une écriture persane |

© Bibliothèque nationale de France

La calligraphie, transmise de maître à disciple, fait l’objet d’un enseignement très strict. En dehors des manuscrits, elle apparaît dans des compositions spécifiques, albums ou panneaux dont elle constitue l'ornement principal. Se développant par ailleurs dans les domaines où l’image figurative est proscrite, elle magnifie l’architecture, la céramique murale mais aussi les arts du métal, du textile ou du verre.

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