Le dit du vieux marin
Samuel Taylor Coleridge
  Alors le SOUFFLE de la TEMPÊTE surgit,
Et il se révéla tyrannique et puissant :
Ce SOUFFLE nous frappa de ses ailes battantes
Et il nous pourchassa jusque loin vers le sud.
Les mâts penchés, la proue s'engageant sous les lames,
Tel celui, poursuivi de coups et de huées,
Qui de son ennemi cependant foule l'ombre
Et qui, droit devant lui, fonce, tête baissée,
Ainsi dérivait le navire, la tempête
Mugissait, vers le sud toujours nous fuyions.

Bientôt vinrent ensemble et la brume et la neige ;
Il fit un froid prodigieux ;
Et, plus hauts que le mât, autour de nous flottèrent
De monstrueux glaçons, verts comme l'émeraude.

Les falaises de neige, à travers les rafales,
Sur les flots renvoyaient une clarté sinistre ;
Point ne rencontrions forme humaine ou de bête, -
La glace, de tous les côtés, nous entourait.

La glace était ici, la glace était là-bas,
La glace s'étendait, livide, à l'infini ;
Elle craquait, criait, et grondait et hurlait, -
Tels les bruits qu'on entend lorsqu'on s'évanouit !

Samuel Taylor Coleridge, Le dit du vieux marin, 1797,
trad. Henri Parisot