L’Enéide
Virgile

 

C'est à lui que Junon suppliante s'adressa alors en ces termes : "Eole, (car c'est à toi que le père des dieux et le roi des hommes a donné le pouvoir d'apaiser les flots et de les soulever au moyen du vent), une race que je hais navigue sur la mer Tyrrhénienne, portant en Italie Ilion et ses Pénates vaincus : déchaîne la violence des vents submerge et engloutis leurs poupes, ou disperse çà et là mes ennemis et couvre la mer de leurs corps épars. "(..)
Ayant dit, d'un revers de lance, il [Eole] a frappé le flanc du mont caverneux ; et les vents, comme en un bataillon, se précipitent par l'issue qui leur est ouverte, et balaient la terre de leur trombe. D'un seul coup l'Eurus [S-E], et le Notus [S], et l’Africus [S-O], fécond en tempêtes, se sont abattus sur la mer, la bouleversent dans ses profondeurs et roulent vers les rivages de vastes flots. Soudain les nuages dérobent le ciel et le jour aux Teucères ; sur la mer une nuit sombre s'étend ; les cieux ont tonné, et l'éther brille de feux redoublés, et l'univers offre aux hommes le spectacle de la mort présente. (Tirade d'Enée...).
Il parlait encore, que le souffle strident de l’Aquilon [N-E] frappent en plein sa voile, et soulève les flots jusqu'aux astres. Les rames se brisent, puis la proue se détourne et livre aux vagues le flanc du navire ; l'onde s'amoncelle en forme de montagne escarpée. Les uns sont suspendus sur le sommet des flots ; les autres découvrent la terre dans le sein des ondes entrouvertes ; le sable bouillonne avec fureur. Trois vaisseaux qu'emporte le Notus sont lancés contre ces rochers invisibles, situés au milieu des flots, que les Italiens nomment les Autels, et dont l'énorme dos affleure la surface de la mer. L'Eurus en pousse trois autres de la haute mer sur des bas-fonds et sur des syrtes [bancs de sable].

Neptune intervient alors, prend parti pour Enée et calme les flots.

Virgile (70-19 av. J.C), L’Enéide, Livre premier 81-128