Jean Cras
Journal de bord

Paris, Maurice Sénart, 1928. Partition d'orchestre (34,5 x 26,5 cm)
BNF, Musique, Fol. Vm15 1582 (p. 1)

Le père de Jean Cras, chirurgien de marine, d'une vieille famille bretonne vouée à la marine et à la médecine, fit aimer la musique à ses enfants et Jean, le plus doué, étudia violon et piano dès l'enfance. Entré à l'École navale de Brest en 1896, il décida de continuer ses études musicales en autodidacte. À l'âge de vingt ans, il entra en contact avec le compositeur Henri Duparc grâce à sa sour, la soprano Gabrielle de Fourcauld. Duparc, qui le considérait comme un des musiciens les plus doués qu'il ait jamais rencontrés, l'appelait "le fils de mon âme" tant ils étaient proches. Il fut son unique professeur de composition. Dans une interview donnée au journaliste Pierre Melèse, pour la revue Comodia du 31 juillet 1922, Jean Cras affirme : "Partout où m'ont conduit les hasards de ma vie maritime, j'ai continué à composer en restant fidèle à l'enseignement de mon maître, m'efforçant avant tout de rester moi-même quelle que soit la valeur de mon moi [...]. Je ne suis et ne veux être d'aucune école."
Le Journal de bord est une ouvre pour orchestre inspirée par une campagne en mer à bord de la Provence, que commandait Jean Cras en novembre 1927. L'éditeur a placé en page de titre la page du journal de bord de la Provence. Un titre, Journal de bord, et trois parties : "Quart de 8 à minuit", "Quart de minuit à 4", "Quart de 4 à 8". Chaque fois, les annotations méticuleuses du marin - "houle du large", "WSW", "coucher du soleil", "TBT MTB RDP", "La terre en vue droit devant" - indiquent au musicien le mouvement et les nuances, avant de s'achever par les tutti fortissimo du "droit devant". Enfin, en bas de la dernière page : "Toulon, à bord de la Provence, 12. 11. 1927".
La rédaction du journal de bord d'un navire, quart après quart, est une tâche qui ne doit rien à l'imagination. Et pourtant, la description sèche et concise du temps et des événements - "TBT MTB RDP [très beau temps, mer très belle, rien de particulier], Clair de lune" - sonne comme un thème de quelques notes que Jean Cras développe en un mouvement de balancement harmonieux. Ouvre de maturité, cette suite est avec le quintette (1928) et le concerto pour piano (1931) une des dernières ouvres du contre-amiral Jean Cras et elle nous rappelle qu'il fut marin toute sa vie - il fut aussi l'inventeur de la célèbre règle-rapporteur Cras, bien connue des marins.