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Après avoir attendu
pendant trois ans que ma situation s'améliorât,
j'acceptai une offre avantageuse du capitaine William Pritchard,
commandant l'Antilope, qui s'apprêtait à
partir pour les mers du Sud. Nous mîmes à la
voile à Bristol, le quatre mai mil six cent quatre-vingt-dix-neuf,
et notre voyage fut d'abord très heureux.
Il ne convient pas d'importuner le lecteur par le détail
de nos aventures en ces mers. Qu'il suffise de lui dire qu'avant
notre arrivée aux Indes orientales, nous fûmes
chassés par une violente tempête vers le nord-ouest
de la terre de Van Diemen. Nous pûmes constater que
nous nous trouvions alors par trente degrés, deux
minutes de latitude australe. Douze hommes de notre équipage
étaient morts d'excès de fatigue et de mauvaise
nourriture; les autres étaient dans un état
de grand épuisement. Le cinq novembre, commencement
de l'été dans ces régions, le ciel étant
très brumeux, les matelots aperçurent soudain
un rocher à moins d'un demi-câble du navire.
Le vent était si fort que nous fûmes poussés
tout droit contre l'écueil, et notre navire se brisa
aussitôt. Six hommes de l'équipage, dont j'étais,
ayant pu mettre la chaloupe à la mer, parvinrent à
s'écarter à la fois du vaisseau et du rocher.
Nous fîmes, autant que je pus m'en rendre compte, environ
trois lieues à la rame, jusqu'au moment où
tout effort nous devint impossible, après l'extrême
lassitude dont nous avions déjà souffert à
bord. Nous nous abandonnâmes donc à la merci
des vagues, et environ une demi-heure après, la chaloupe
fut renversée par un soudain coup de vent du nord.
Ce qui advint de mes compagnons de chaloupe, ou de ceux qui
avaient pu s'accrocher aux récifs, ou de ceux encore
qui étaient restés sur le navire, il m'est
impossible de le dire, mais je crois qu'ils périrent
tous. Pour moi, je nageai à l'aventure, poussé
à la fois par le vent et la marée. J'essayais
parfois, mais en vain, de toucher le fond; finalement, alors
que j'étais sur le point de m'évanouir, et
dans l'impossibilité de prolonger la lutte, je m'aperçus
que j'avais pied. La tempête s'était considérablement
apaisée. La pente était si insensible que je
dus marcher près d'une demi-lieue avant de parvenir
au rivage, que j'atteignis seulement, me sembla-t-il, vers
huit heures du soir. J'avançai à l'intérieur
des terres sur près d'un mille, sans pouvoir découvrir
trace d'habitation ni d'habitants; ou du moins, j'étais
trop exténué pour en apercevoir.
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