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Les historiens et les collectionneurs ne s'intéressent
plus guère aujourd'hui à ce genre de photographie : l'utilité pratique
en est devenue secondaire. Pourtant, Il était communément admis, en particulier
parmi les savants et les artistes, que c'était là une des applications
par excellence de la photographie sur papier.
La photographie de la peinture vers 1850 se confrontait à de grandes difficultés.
Outre le fait que l'original n'était pas toujours facile d'accès, la prise
de vue directe d'une peinture rencontrait d'autres obstacles : les
reflets et, surtout, la sensibilité très inégale aux différentes couleurs,
de sorte que les valeurs étaient faussées. C'est pourquoi on photographiait
rarement un tableau directement, mais plutôt soit un dessin de la composition,
soit une gravure, c'est-à-dire une traduction préalable qui transposait
les couleurs en termes de valeurs. Ainsi, pour photographier la Joconde,
Le Gray n'aura pas recours au tableau lui-même, mais à un dessin commandé
par l'État au sculpteur Aimé Millet en 1848. Cette étape intermédiaire
entre l'original et la reproduction
n'était, du reste, pas nouvelle et la photographie était ici encore l'héritière
de l'estampe : dans la première partie du XIXe
siècle, en effet, il n'était pas rare, pour les reproductions de prestige,
de commander un dessin préalable à un autre artiste avant l'intervention
du graveur. Le prestige de la gravure au burin ne fait pas de doute, au
moins dans un contexte académique. Au moment où Le Gray essayait de donner
forme à ce que pourrait être un artiste photographe, la reproduction d'œuvres
d'art était certainement une perspective professionnelle prometteuse,
par émulation avec les graveurs.
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