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Installé à Bagnères-de-Bigorre,
Farnham Maxwell Lyte écrit, le 6 novembre 1861, au Moniteur
de la photographie qui insère la lettre dans sa livraison du
15 novembre.
Rédigées à peu près dans les mêmes termes,
des notes de ce photographe anglais paraissent dans La Lumière
(30 novembre 1861), dans le Bulletin de la Société française
de photographie (1861, pp. 312-315), dans la Revue photographique
(1862, n°1).
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Je lis dans le Moniteur
de la Photographie une critique de mes épreuves (exposées
dernièrement à Bruxelles), que je puis difficilement laisser
sans réponse ; car, malgré le témoignage flatteur que
votre correspondant rend au sentiment artistique de mes paysages, la faute
dont il m'accuse prouverait que je ne suis pas du tout artiste, et que j'ignore
totalement les lois de la composition.
Il est dit que mes épreuves, bien que possédant des qualités
artistiques excellentes, sont entièrement dépourvues d'harmonie
ou d'unité d'effet, et que tout cela vient du système que
j'ai adopté de tirer les images positives avec des ciels rapportés
dans lesquels j'introduis des nuages au moyen d'un négatif séparé,
ce qui produit une ligne d'horizon dure et d'un effet faux. Il est dit encore
que l'application du même ciel sur différentes vues est mauvaise,
et ne peut donner que de déplorables résultats, et l'on cite
comme exemple, mes épreuves. Comme les mêmes épreuves
ont été exposées à Londres, à Edimbourg,
à Paris et à Bruxelles, beaucoup de vos lecteurs ont eu l'occasion
de juger par eux-mêmes de leur mérite. Je n'insère pas
cette note pour défendre mes propres uvres, mais comme une
défense du système général que j'ai adopté
et que j'ai été, je crois, un des premiers à mettre
en pratique, puisque je l'emploie depuis 1853.
Je me propose donc d'examiner les deux points sus-mentionnés. Votre
correspondant dit, d'abord, que mes épreuves prouvent ce fait que
les ciels rapportés ne peuvent jamais produire un effet artistique,
et sont toujours inférieurs à ceux produits sur un seul et
même négatif.
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Il est parfaitement vrai que
mes ciels sont pour la plupart tirés d'après un négatif
spécial, ainsi qu'on peut le présumer d'après un article
sur le tirage photographique que j'ai publié dans un des premiers
numéros du Moniteur de la photographie. Afin de bien comprendre
si le ciel naturel d'un bon négatif est meilleur ou moins bon que
celui appliqué après coup, il faut considérer la nature
d'une image sur collodion.
Quand une plaque collodionnée et sensibilisée est exposée
à la lumière et ensuite développée, elle présentera
une surface dense et noire presque absolument impénétrable
à la lumière, si l'exposition a été suffisamment
courte, ou la lumière suffisamment faible. Mais si la pose a été
très prolongée ou la lumière trop forte, il y a ce
qu'on appelle solarisation. La couche impressionnée et soumise
au développement prend un ton violet rougeâtre après
avoir été fixée, et reste plus ou moins perméable
aux rayons actiniques.
Maintenant, dans la production à la chambre obscure d'une épreuve
négative sur collodion représentant un paysage, le ciel, qui
est de beaucoup la partie la plus brillante et la plus actinique, se solarise
presque invariablement avant que l'exposition ait été suffisamment
prolongée pour que les détails qui se trouvent dans les grandes
ombres soient venus. La conséquence de ceci est, que le choix d'un
opérateur doit se porter sur l'une de ces deux choses : la solarisation
de son ciel, ou la nécessité de renforcer son épreuve
par des doses répétées de nitrate d'argent ajoutées
à l'agent réducteur.
Certes, par une addition convenable de bromure, et l'emploi de sels de sodium
dans le collodion, par les soins et la patience dans le développement,
par la bonne composition du bain de nitrate, on peut en quelque sorte obvier
à la solarisation ; mais, en général, il est toujours
nécessaire de solariser le ciel pour obtenir un paysage harmonieux.
Un ciel solarisé est transparent et s'imprime en teinte foncée.
Quiconque a étudié la nature, spécialement dans les
pays montagneux, a observé certainement que la voûte bleue
du ciel prend graduellement une teinte plus pâle à mesure qu'elle
approche de l'horizon, excepté là où quelque grand
pic dresse sa tête au milieu du ciel. Là, le contour tranche
durement sur le bleu sombre, tandis qu'habituellement à l'horizon
et principalement à l'extrémité des vallées,
une teinte plus claire domine.
Tel est l'effet général que je cherche à obtenir dans
mes épreuves, le variant parfois suivant les circonstances.
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Arrivons maintenant au second
point, à savoir que j'ai employé le même ciel pour plusieurs
vues différentes, prises à des moments et en des endroits
tout à fait différents. J'avoue que ceci est vrai ; mais je
réfute ce qui touche l'effet désastreux attribué à
ce système, et je vais expliquer la raison de cette anomalie apparente.
Les vallées des Pyrénées, à peu d'exception
près, s'étendent du nord au midi ; conséquemment elles
reçoivent seulement une lumière oblique le matin et le soir.
Cet éclairage oblique est nécessaire pour produire des effets
vraiment artistiques de lumière et d'ombres, et pour donner une valeur
réelle aux différents plans. Le matin, l'air est presque invariablement
calme pendant la belle saison ; mais dans le jour, le soleil, dans les vallées
raréfie l'air qui monte par conséquent et forme un courant
venant du nord, lequel s'élance de la vallée comme il s'élèverait
dans une cheminée. Cette brise du nord souffle tout le jour, pour
cesser quand la nuit vient, avec une régularité surprenante,
et généralement elle finit par chasser l'air humide de la
plaine qui se condense sur les montagnes, et produit des nuages vers l'après-midi
ou le soir. La chaleur du soleil parait aussi, durant le jour, soulever
habituellement des vapeurs qui, si elles ne peuvent se condenser en nuages,
interposent néanmoins un voile bleu de brume, d'une nature antiphotogénique,
entre nous et les montagnes. Sachant que ces obstacles existent, je m'arrange
toujours pour être sur le terrain et à l'uvre autant
que possible de bonne heure, et par conséquent plus des neuf dixièmes
de mes épreuves sont exécutées à la lumière
du matin, entre cinq et huit heures ; les autres sont prises, presque sans
exception, à la lumière du soir. J'ai de nombreux négatifs
de nuages dans lesquels la position du soleil varie beaucoup ; mais il arrive
qu'un de ces clichés s'accorde parfaitement avec la disposition de
la lumière au moment où j'opère ordinairement. Ce ciel
est donc reproduit sur plusieurs vues ; pourtant j'espère qu'il n'en
résulte pas un effet aussi désagréable que celui signalé
par votre correspondant.
Quant à la ligne dure des montagnes se découpant sur le ciel,
si l'auteur de l'article venait dans les Pyrénées, il verrait
que cet aspect est très fréquent sous notre atmosphère
limpide, et, en examinant de nouveau mes épreuves, il reconnaîtrait
que j'ai apporté un soin particulier dans leur exécution,
pour rendre l'effet de la distance par la dégradation des plans.
Ceux qui sont les plus éloignés, se confondent presque avec
le ciel, tandis que les plus rapprochés et les montagnes les plus
élevées se détachent vigoureusement. En même
temps j'ai essayé de produire un ciel ombré qui pût
se mêler avec le reste du paysage, plutôt qu'un ciel d'un blanc
criard, en évitant la décoloration lourde et monotone, le
manque d'effet, qui résultent d'un ciel uni solarisé. Enfin,
je dois faire observer qu'avec la lumière venant de derrière,
même quand elle frappe dans une direction oblique, les nuages qui
peuvent se trouver dans le plan de la chambre obscure n'affectent que rarement,
on pourrait dire jamais, les lumières et les ombres d'un paysage,
de telle sorte que si la direction dans laquelle un nuage est éclairé
s'harmonise avec celle de la lumière qui éclaire le paysage,
l'application dans le tirage d'un cliché séparé ne
peut pas produire un effet si faux qu'on l'a dit. C'est justement là
l'éclairage le plus favorable à l'exécution d'une bonne
image photographique et celui que, comme je l'ai déjà expliqué,
j'emploie presque invariablement. |
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Cité par Bernard Marbot dans
"Des ciels dans les paysages photographiques", dossier de l'exposition
"Quand passent les nuages", Paris, Bibliothèque nationale,
1988. |