Les styles calligraphiques

Présente dès les premiers corans, la dimension ornementale de l’écriture conduit à la définition de six styles calligraphiques canoniques : le naskhî, le muhaqqaq, le thuluth, le riqâ’, le rayhânî et le tawqî’. Brillamment cultivés sous les Abbassides et les Mamelouks, ces styles traditionnels connaissent une impulsion nouvelle avec les Persans et les Ottomans.

La légende attribue au vizir Ibn Muqla (885-886 – 940) la codification d’une écriture parfaitement proportionnée. C'est un système de règles qui repose sur le tracé d’un alif autour duquel on construit un cercle servant d’étalon. Chaque lettre est ensuite élaborée à partir de ce cercle. Ibn Muqla aurait également réduit les écritures cursives, toujours plus nombreuses, à six styles principaux. Ses travaux ont été considérablement enrichis par Ibn al-Bawwâb, mort à Bagdad en 1022. Mais c'est le dernier grand calligraphe de la cour abbasside, Yâqût al-Musta‘simî, mort en 1298, qui apporte l’ultime perfectionnement de cet art et la théorisation finale des "six styles".

 

 

Les six styles canoniques


   


Ces six styles possèdent chacun leurs particularités. Le naskhî, l’un des premiers à se développer, se caractérise par sa lisibilité, son équilibre et sa rapidité d’exécution ; il devient la graphie la plus répandue de l’ensemble du monde arabe, à l’exception du Maghreb et d’al-Andalus, où se différencie une forme spécifique, plus arrondie, le maghribî. Le muhaqqaq apparaît ensuite et connaît une grande faveur pour la copie du Coran, particulièrement sous les Mamelouks : ses faibles courbes sous les lignes lui impriment un élan vers la gauche et beaucoup d’élégance. Le thuluth, version plus large et élaborée du naskhî, a des formes arrondies et un mouvement souple et rythmé qui convient tout particulièrement aux titres. Le rayhânî ressemble aux précédents tout en accentuant certains côtés comme la finesse et l’horizontalité sous la ligne. Le riqâ’ et le tawqî’‘ enfin, proches du thuluth, sont des écritures de documents administratifs peu représentées dans les manuscrits. D’autres graphies s’y rattachent encore, comme le ghubâr, écriture minuscule utilisée pour les corans à usage talismanique.

 

 

Des calligraphies cursives


Parallèlement au développement des écritures courantes et des six styles canoniques, d'autres graphies cursives, plus élaborées, remplacent le coufique pour la copie des corans, mais aussi pour celle de tous les ouvrages coûteux. Le coufique est alors uniquement employé de manière ornementale dans les épigraphies ou dans les titres des manuscrits et il devint un élément du décor dont la Thériaque, avec ses lettres anguleuses de couleur alternée, constitue un superbe exemple.
   

 
   
 

Après la chute de Bagdad, en 1258, les Persans cultivent brillamment la calligraphie et rivalisent de virtuosité avec les Mamelouks, dernier bastion en Égypte et en Syrie de la continuité culturelle arabe. Les Ottomans, au pouvoir dès le XVIe siècle, placent eux aussi l’écriture au centre de leur création artistique. Turcs et Persans donnent aux six styles une impulsion nouvelle, les développant selon les particularismes de leurs langues, issues de familles linguistiques très différentes. De nouvelles graphies plus adaptées à ces spécificités se créèrent alors, comme le nasta‘lîq ou le ta‘lîq