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Les peintures des contes de Kalîla et Dimna

Les hiboux et les corbeaux
Les hiboux et les corbeaux

© Bibliothèque nationale de France

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Kalîla wa Dimna est un recueil de fables indiennes adaptées en 750 par Ibn al-Muqaffâ. C’est aussi l’un des textes les plus fréquemment illustrés dans les livres arabes médiévaux. Petit comparatif de deux manuscrits…

Le livre de Kalîla wa Dimna, nommé également Fables de Bidpaï, est une compilation de fables indiennes traduites en arabe par Ibn al-Muqaffa' vers 750. Destiné à l'éducation morale des princes, ce recueil a pour héros deux chacals nommés Kalîla et Dimna. La Fontaine s'en est s'inspiré pour ses fables.

La Bibliothèque nationale de France conserve deux manuscrits richement illustrés de ces fables. Le premier (arabe 3465), probablement copié en Syrie vers 1220, est caractéristique de la période classique de la peinture arabe. Le second (arabe 3467) est exécuté vers 1350 sous les Mamelouks. Certaines de leurs images représentent les mêmes épisodes, représentés plus ou moins de manière identique.

Voici quelques un des épisodes de ces fables.

L’ascète observant le combat de deux boucs

Les cornes des boucs constituent l’axe autour duquel s’articule symétriquement l’image. On trouve parfois, comme ici, des visages effacés postérieurement pour répondre à l’interdit affirmé par certains théologiens de représenter des êtres animés. Les feuilles, souvent d’une grande diversité, ont ici des bourgeons en forme d’amande rouge et bleu.

L’ascète observant le combat de deux boucs
L’ascète observant le combat de deux boucs |

Bibliothèque nationale de France

Les deux chacals Kalîla et Dimna, héros de l’histoire

Le traitement des animaux est très contrasté : l’un gris bleu, l’autre brun roux dans le manuscrit le plus ancien. Dans le manuscrit le plus récent, les couleurs, prune et orange, perdent leur caractère réaliste pour une valeur purement décorative. De manière générale, la palette des couleurs est plus vive et la position des animaux plus statique.
 

Dans le manuscrit du 13e siècle, deux arbustes encadrent l’image et une plante forme un axe central, qui disparaît dans la version mamelouke. Les fleurs sont représentées avec fantaisie, mais de manière plus conventionnelle dans le manuscrit mamelouk. La bande d’herbe symbolise le sol.

Les deux chacals Kalîla et Dimna
Les deux chacals Kalîla et Dimna |

Bibliothèque nationale de France

Kalila et Dimna
Kalila et Dimna |

© BnF

Dimna et le lion Bankala 

Le lion et Dimna, représentés de profil, se font face, de part et d’autre d’un arbre stylisé semblant être un palmier. Les plantes qui structurent la composition, d’une grande variété de formes et de couleurs ne renvoient jamais à une représentation réaliste. La couleur dorée est utilisée pour mettre en valeur certains détails.

Dimna et le lion Bankala
Dimna et le lion Bankala |

Bibliothèque nationale de France

Le cormoran et le crabe

L’eau de l’étang est symbolisée par une surface bleue, rehaussée d’ondulations et délimitée par l’herbe et les rochers. Ceux-ci, dans un dégradé de brun, ont des formes arrondies cernées de noir. Les proportions ne sont pas respectées dans la représentation des animaux. Comme dans toute la peinture arabe, il n’y a ni perspective, ni profondeur.

Le cormoran et le crabe
Le cormoran et le crabe |

Bibliothèque nationale de France

Le lion pris au piège

Destiné à être mangé, le lièvre invente une ruse. Il fait croire au lion qu’un rival se cache dans un puits. Se méprenant à l’image de son reflet dans l’eau, le lion l’attaque, plonge et se retrouve pris au piège. 

Les deux scènes ne correspondent pas au même moment du récit. Dans le premier le lion est déjà tombé, tandis que dans le second, il s’apprête à attaquer son propre reflet.

La représentation du puits et les couleurs sont aussi radicalement différentes. La montagne est constituée de rochers empilés. Ils sont peints dans de nombreuses nuances de gris et de marron pour le manuscrit le plus anciens, tandis qu’ils présentent, dans le plus réent, de nombreuses nuances de rose et d’orange pour suggérer l’ombre et la profondeur. De petits motifs bleus figurent l’eau du puits. On relève une erreur de perspective dans le second manuscrit : les reflets du puits sont inversés.

Le lion pris au piège
Le lion pris au piège |

Bibliothèque nationale de France

Le lièvre et le lion
Le lièvre et le lion |

Bibliothèque nationale de France

Le cormoran et les deux pêcheurs

Les pêcheurs, jambes nues, sont représentés à l’air libre, dans l’exercice de leur activité physique. Contrairement à la peinture très stylisée du paysage, les personnages humains sont campés de manière réaliste, de face ou de profil. Les arbustes qui structurent la composition, accentuent par leur inclinaison les mouvements des deux hommes.

Le cormoran et les deux pêcheurs
Le cormoran et les deux pêcheurs |

Bibliothèque nationale de France

Le faucon crevant les yeux du faux témoin

Le traitement des visages est ici fort différent des manuscrits, peints un siècle plus tôt. Sous la dynastie turque des Mamelouks, l’influence de l’Est se fait sentir : yeux étroits en forme d’amande, sourcils fins, bouche petite et moustache allongée. On retrouve les mêmes motifs floraux ou géométriques de tissus dans les manuscrits de cette époque.

Les deux perroquets et l’épouse du satrape
Les deux perroquets et l’épouse du satrape |

Bibliothèque nationale de France

Homme et femme

La scène s’organise dans un espace extérieur délimité par trois plantes. L’homme et la femme se font face autour d’un axe constitué par l’arbuste central aux deux fleurs bleues. L’impression de mouvement est suggérée par la jambe levée de la femme et les plis de ses vêtements.

Homme et femme
Homme et femme |

Bibliothèque nationale de France

La souris grignote le filet dans lequel six colombes sont prisonnières

Un corbeau, perché au-dessus du terrier de la souris, regarde avec intérêt la scène. La fragmentation du motif décoratif qu’on peut voir sur le terrier de la souris ou les troncs d’arbres est caractéristique de la période mamelouke.

La souris grignote le filet dans lequel six colombes sont prisonnières
La souris grignote le filet dans lequel six colombes sont prisonnières |

Bibliothèque nationale de France

Le lièvre et le roi des éléphants

L'éléphant entre dans le lac où se reflète la lune. Assis sur un rocher, le lièvre l’observe. Dans la peinture arabe, la terre et le ciel sont toujours dissociés et figurés, l’un par une bande d’herbe et l‘autre par un fuseau bleuté au centre duquel la lune, le soleil ou les étoiles viennent préciser le moment du jour. Ici, il s’agit de la nuit : la lune domine la scène.

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