La licorne et les animaux d’Ely
Marco Polo (1254-1324), Le Devisement du monde ou Livre des Merveilles
Récit de 1299, copié à Paris vers 1410-1412.
Enluminure par le Maître de la Mazarine et collaborateurs. Manuscrit sur parchemin, 299 feuillets, 42 x 29,8 cm
BnF, département des Manuscrits, Français 2810, fol. 85
© Bibliothèque nationale de France
L'Ely de Marco Polo est le Mont Delly, situé l’extrême pointe sud de l’Inde. Cette région, qui n'est pas très riche ni très habitée, impressionne Marco Polo pour sa nature sauvage, même s’il manque de mots pour la décrire. Le peintre a, pour sa part, rajouté une licorne traditionnelle, très éloignée de celle que Marco Polo décrit à Sumatra : "Pas plus grandes qu'un éléphant, les unicornes ont le poil comme celui du buffle, et les pieds comme ceux des éléphants, et une corne au milieu du front, blanche et très grosse. Et elles ne font aucun mal avec leur corne, mais avec leur langue, car elles ont la langue chargée de grandes et longues épines. Et elles ont une tête semblable à celle du sanglier, et la portent toujours inclinée vers la terre. Elles demeurent habituellement près des lacs et des marais. C'est une bête très laide à voir, et elle ne se prend pas au sein d'une pucelle comme nous le disons, bien au contraire."

Il parle du royaume d'Ely

Ely est situé à trois cents milles à l'ouest de Courmary. Les habitants de ce royaume sont idolâtres. Ils sont gouvernés par un roi et ne paient d'impôt à personne. Ils ont une langue qui leur est propre. Il n'y a pas de port dans la province, mais de grands fleuves aux embouchures larges et profondes. Il pousse là abondance de poivre, de gingembre et d'autres épices. Leur roi est puissant par ses richesses, mais le pays n'est pas très peuplé. Le royaume est naturellement si bien protégé que nul ne peut y entrer pour l'attaquer, et que le roi ne craint personne.
S'il arrive que par hasard un grand bateau, qui ne leur est pas destiné, s'ancre dans leur embouchure, ils s'emparent de sa cargaison, disant : « Vous vouliez aller ailleurs, mais les dieux vous ont conduit jusqu'à nous ! C'est que vous êtes pour nous ! » Ils ne voient nul mal à ça. Si au contraire, le bateau vient pour eux, ils l'accueillent à grand honneur et en assurent la protection. Cette méchante coutume se retrouve dans l'Inde tout entière ; les habitants de ce pays s'emparent des cargaisons de tout navire que le mauvais temps a détourné de sa route. Les bateaux du Mangi et d'ailleurs y sont chargés en cinq ou six jours. Ils s'en retournent le plus rapidement possible, car il n'y a pas de port, mais seulement des plages et du sable où l'on s'enfonce. Mais les bateaux du Mangi sont dotés de grandes ancres de bois qui résistent bien aux accidents qui peuvent survenir sur les plages de sable. Il y a dans ce pays quantité de lions et d'autres bêtes féroces extraordinaires et venimeuses. Ils ont gibier et oiseaux en abondance. Il n'y a rien d'autre à en mentionner. Nous parlerons du royaume de Melibar.
 
 

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