Mappemonde de Sébastien Cabot
Sébastien Cabot, Anvers, 1544.
Gravure aquarellée
BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE AA-582 (RES)
© Bibliothèque nationale de France
Sébastien Cabot, originaire de Venise et fils du navigateur Jean Cabot (qui explora le Labrador et Terre-Neuve), navigua successivement pour le compte de Henri VIII d'Angleterre et pour l’Espagne, en tant que « pilote-major » de sa majesté l’empereur Charles Quint. Il explora l'Amérique du Sud et décrivit le Rio de la Platà, alors qu’il recherchait de nouvelles routes maritimes vers les Moluques ; à la fin de sa carrière, il tenta de trouver le passage du nord-est dans l'océan arctique, au nord de la Moscovie.
Sur ce planisphère imprimé en 1544 (probablement à Anvers ou à Augsbourg), le savoir des marins et des explorateurs se joint à une autre forme de cartographie, plus savante et érudite que celle des cartes portulans manuscrits. Composée de quatre feuilles de parchemin, la carte représente le monde sous la forme d’une ellipse de 111 cm de haut pour 148 cm de large, avec un quadrillage en latitude et longitude. À la manière des cartes marines, elle est aussi couverte de miniatures et de textes explicatifs. Le titre de la carte en précise l’auteur et les sources : « Sur cette figure étendue en plan est contenu le globe tout entier de la terre, les îles, les ports, les fleuves, les golfes, les bancs et les écueils qui ont été découverts jusqu’à ce jour, avec leurs noms et les noms de ceux qui les ont découverts, comme on peut le voir aussi par les tables de la dite figure, ensemble tout ce qui était connu avant et tout ce qui avait été écrit par Ptolémée, provinces, régions, villes, montagnes, fleuves, climats et parallèles, latitude tant pour l’Europe que pour l’Asie et l’Afrique. Et vous devez noter que la terre est située selon la variation que la boussole fait avec l’étoile du nord, pour la raison que vous pourrez trouver dans la seconde table. »
De nombreuses notices font également référence aux auteurs anciens, rappellent certaines merveilles antiques (« des hommes aux oreilles si grandes qu’elles leur couvrent tout le corps »), et citent en particulier pour l’océan Indien Marco Polo, tout en comparant son témoignage avec celui d’auteurs plus récents. L’iconographie de l’océan Indien fait ainsi écho, par delà les siècles, à celle de l’Atlas catalan qui cite déjà le voyageur vénitien. En commentaire d’une représentation d’une sati indienne brûlée sur le bûcher de son époux défunt, le cartographe explique ainsi : « Le roi de cette province et royaume de Bengale est un très puissant seigneur qui possède de nombreuses villes très grandes et très commerçantes. Il y a dans ce royaume cannelle, clou de girofle, gingembre, piment, santal, laque, et soie en grande quantité. Ils ont pour habitude dans cette province de brûler les corps des morts et quand le mari meurt avant la femme, la femme se fait brûler vive avec le corps du mari disant qu’elle vivra dans la joie avec lui dans l’autre monde et c’est de cette manière que le mari meurt, la femme fait un grand festin, revêt ses vêtements les plus riches. À ce festin assistent tous ses parents et ceux de son mari. Après avoir mangé, elle se rend avec tous les parents au lieu où l’on a dressé un très grand feu, chantant et dansant jusqu’au dit bûcher ensuite on jette le corps du mari dans le feu puis elle fait ses adieux à ses parents et ses amis et elle se jette dans le feu. Et celle qui s’est jetée le plus librement dans le feu honore sa lignée. Mais déjà cette coutume est moins suivie depuis que les Portugais ont traité avec eux et leur ont laissé entendre que Dieu, Notre Seigneur, n’était pas servi de cette manière. »