Minot Gormezano

Les séjours du corps

par Colette Garraud

 

L’homme et le monde

La série des Métamorphoses vient conclure près de vingt années d’une œuvre dont les chapitres composent une saga de la matière. C’est une somme qui englobe le monde et les choses, comme autrefois l’iconographie des grands jardins où l’homme vient prendre sa juste place, microcosme dans le macrocosme. On y retrouve déclinées les figures de l’enfouissement, aux postures parfois énigmatiques semblables à quelque grand papillon ensablé, l’univers aquatique et minéral désormais familier et les vastes paysages montagneux auxquels s’ajoute, on l’a vu, l’horizon marin. Les mouvements très élaborés viennent des positions du yoga traditionnellement associées à chacun des quatre éléments. Lorsque le corps se retire, un parterre de végétaux ou des constructions de neige font écho à ses contours et redessinent ses élans. Les enceintes de pierres délimitent un feu d’herbes et de légères structures métalliques (unique utilisation d’un matériau étranger au milieu naturel) se dressent sur le ciel sans nuages, au-dessus d’un horizon brumeux et de la mer indistincte. Diaphragmes traversés de lumière, elles célèbrent l’air et terminent l’évocation des éléments.

Dans cet élargissement soudain de leur vocabulaire, comme pour embrasser la totalité, Minot et Gormezano croisent d’autres artistes : on songe aux Silueta d’Ana Mendieta, aux Sculptures-Fictions de François Méchain et, dans les correspondances entre les structures du premier plan et les échancrures des falaises lointaines, à ces rimes plastiques auxquelles s’adonnaient naguère Barbara et Michael Leisgen.
Au terme d’un périple qui, pour les deux artistes, se conclut avec la présente exposition, leur travail les conduisant désormais ailleurs, cette œuvre si longtemps adonnée à la densité charnelle et à l’opacité de la matière, et cultivant parfois l’excès, s’achève, pour le moment, dans l’éloge du vide.
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