Esclave par nature

Aristote, IVe s. av. J.-C.

Sous l'Antiquité, une société sans esclave n'était pas concrètement possible, même s'il arrivait de le penser comme idéalement souhaitable. La "cité parfaite" de Platon dans La République est une société laborieuse, libre et égalitaire, donc sans esclaves. Loin de tout idéalisme, Aristote expose les rapports tels qu'ils sont, inégalitaires par essence, les hommes n'étant pas tous dotés des mêmes capacités. Il est conforme à l'esprit du temps quand il décrit des hommes "esclaves par nature", car destinés à être commandés, au même titre que les animaux. Ceci dit, Aristote libère ses esclaves à sa mort.

Le même rapport se retrouve entre l'homme et les autres animaux. D'une part les animaux domestiques sont d'une nature meilleure que les animaux sauvages, d'autre part, le meilleur pour tous est d'être gouvernés par l'homme car ils y trouvent leur sauvegarde. De même, le rapport entre mâle et femelle est par nature un rapport entre plus fort et plus faible, c'est-à-dire entre commandant et commandé. Il en est nécessairement de même chez tous les hommes. Ceux qui sont aussi éloignés des hommes libres que le corps l'est de l'âme, ou la bête de l'homme (et sont ainsi faits ceux dont l'activité consiste à se servir de leur corps, et dont c'est le meilleur parti qu'on puisse tirer), ceux-là sont par nature des esclaves ; et pour eux, être commandés par un maître est une bonne chose, si ce que nous avons dit plus haut est vrai. Est en effet esclave par nature celui qui est destiné à être à un autre (et c'est pourquoi il est à un autre) et qui n'a la raison en partage que dans la mesure où il la perçoit chez les autres mais ne la possède pas lui-même. Quant aux autres animaux, ils ne perçoivent même pas la raison, mais sont asservis à leurs impressions. Mais dans l'utilisation, il y a peu de différences : l'aide physique en vue d'accomplir les tâches nécessaires, on la demande aux deux, esclaves et animaux domestiques.

Aristote (384 av. J.-C. - 322 av. J.-C), La Politique, I, V. IVe s. av. J.-C.
Texte intégral sur Gallica : Traduction française de Thurot. Paris, Garnier frères, 1881
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