Abolition immédiate de l'esclavage

Victor Schoelcher, 1842

Révolté par les pratiques esclavagistes qu'il a vues dans les Caraïbes, Victor Schoelcher s'engage dans le combat abolitionniste, publiant livres et articles dans lesquels il réclame la disparition immédiate et totale de l'esclavage.

Celui qui prétend avoir le droit de garder des hommes en servitude, parce qu'on ne trouverait pas de bras libres pour planter des cannes, et celui qui soutiendrait qu'on a le droit de voler parce qu'on n'a pas d'argent, sont à nos yeux deux fous ou deux scélérats absolument pareils.
Lorsque j'arrive à réduire ce droit à son expression la plus concrète, lorsque m'isolant par abstraction du monde matériel et me retirant dans le monde intellectuel, je me représente que de deux hommes, l'un se dit le maître de l'autre, de sa volonté, de son travail, de sa vie, de son cœur, cela me donne tantôt un fou rire, tantôt des vertiges de rage.
Que l'esclavage soit ou ne soit pas utile, il faut le détruire ; une chose criminelle ne doit pas être nécessaire. La raison d'impossibilité n'a pas plus de valeur pour nous que les autres, parce qu'elle n'a pas plus de légitimité. Si l'on dit une fois que ce qui est moralement mauvais peut être politiquement bon, l'ordre social n'a plus de boussole et s'en va au gré de toutes les passions des hommes. La violence commise envers le membre le plus infime de l'espèce humaine affecte l'humanité entière ; chacun doit s'intéresser à l'innocent opprimé, sous peine d'être victime à son tour, quand viendra un plus fort que lui pour l'asservir. La liberté d'un homme est une parcelle de la liberté universelle, vous ne pouvez toucher à l'une sans compromettre tout à la fois.
Autant que qui que [ce] soit nous apprécions la haute importance politique et industrielle des colonies, [...] et cependant c'est notre cri bien décidé, pas de colonies si elles ne peuvent exister qu'avec l'esclavage.

Victor Schoelcher (1804-1893), Des colonies françaises : abolition immédiate de l'esclavage, 1842.
Texte intégral sur Gallica : Paris, Pagnerre, 1842 .
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