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Merida. Capitale du Yucatan. Souvenir du Vendredi saint

Album Ruines américaines. Mitla, Palenque, Izamal, Chichen-Itza. Uxmal
Merida. Capitale du Yucatan. Souvenir du Vendredi saint
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« Peut-être sommes-nous arrivés au moment où une intervention européenne au Mexique permettra de déchirer les voiles qui couvrent l’histoire de cette belle contrée. M. Charnay a rendu un service signalé à l’étude de l’archéologie en offrant au public cette collection de photographies recueillies à travers mille périls et aux dépens de sa fortune privée. » Pour la première fois, on pouvait voir les ruines précolombiennes dans toute leur majesté.
Lorsqu’il partit à la recherche des ruines américaines, Désiré Charnay était inconnu du monde de l’archéologie et de la photographie. Sa fascination venait de la lecture des Incidents of Travel in Yucatan du très populaire archéologue américain John L. Stephens, qui reproduisait dans son livre des daguerréotypes de Frederick Catherwood pris lors de l’expédition de 1841. Enseignant à La Nouvelle-Orléans au début des années 1850, il revint en France. « Attribuant l’indifférence du public pour une civilisation aussi originale aux incertitudes qui la voilaient à demi, je voulus qu’on ne pût récuser l’exactitude de mes travaux, et je pris la photographie comme témoin. »
Le Traité de Photographie sur collodion de Van Monckoven lui sert de manuel, puis, ayant obtenu une mission du ministre des Beaux-Arts, il quitte Paris au printemps 1857. Huit mois se passent aux États-Unis et au Québec avant son arrivée, fin novembre, à Mexico avec mille huit cents kilos de bagage. Une dizaine de mois vont être nécessaires à la préparation de l’expédition. Las, c’est la révolution et il fait chaud ! Les bagages ont du mal à suivre, aussi le photographe doit-il souvent improviser avec les produits locaux. L’émulsion se montre capricieuse, tout s’efface, à Mitla il est obligé de tout refaire en cinq jours. Encore faudra-t-il adapter les recettes à la chaleur car le collodion sèche trop vite et n’arrive pas jusqu’au bas du verre. À Palenque, l’obligation d’utiliser du papier ioduré au lieu du verre ne donnera qu’un très médiocre résultat pour la saisie des inscriptions. Et les Indiens se font prier pour nettoyer les herbes des façades et couper les arbres. Les clichés sont brisés, les notes volées, les chambres confisquées par les autorités qui, à Veracruz, prennent le photographe pour un conspirateur. L’intervention de Juárez arrangera un peu les choses et c’est une troupe de vingt-cinq soldats et Indiens qui se dirigera vers le site d’Uxmal.
Le résultat est splendide : rigueur de la méthode, ampleur des formats, modulation des ombres et des lumières. La visite des sites de Mitla, Chichen-Itza et Uxmal est méthodique, les monuments étant pris sur toutes leurs faces et même de l’intérieur. Ici, le choix d’une ligne de fuite donne de la profondeur, du relief au décor, et, lorsque les fûts monolithes de la salle principale du Grand Palais de Mitla viennent barrer le cliché, on a une sensation de brute monumentalité, encore accentuée par la petitesse de l’échelle humaine. Là, pour les bâtiments tout en longueur comme le Grand Palais de Mitla, le problème du rendu à la fois de la structure architecturale et de la riche décoration est résolu par l’utilisation du panorama. À Uxmal, la maison du Nain rend compte de cette typologie si caractéristique de l’architecture maya, le temple élevé sur une pyramide à degrés. Au début de l’expédition, en 1859 à Mitla, le regard embrasse les façades d’un peu loin, laissant du paysage à l’entour, puis, peu à peu, se rapproche pour aller, en 1860 à Uxmal, saisir un détail de l’ornementation. Le cadrage fait surgir dramatiquement de l’ombre et de l’effroi la gigantesque figure humaine d’Izamal.
De retour à Paris en février 1861, Charnay offre à Napoléon III l’album des Ruines américaines. Mitla, Palenque, Izamal, Chichen-Itza. Uxmal, un album luxueux préparé spécialement pour lui. Les photographies, virées à l’or et avant recadrage, sont celles qui composeront l’édition de 1862 accompagnée des textes de Viollet-le-Duc et de Charnay, sauf deux planches. L’une d’elle, qui semble incongrue, une très rare et sublime procession du Vendredi saint à Mérida, digne de Séville, montre en fait que ces ruines majestueuses et sauvages se trouvent bien dans un pays latin ; ne faut-il pas le soustraire à « l’engloutissement de la civilisation américaine » ?
M.-C. S.-G.


© Biliothèque nationale de France

  • Date
    1860
  • Auteur(es)
    Désiré Charnay (1828-1915)
  • Description technique
    Épreuves sur papier albuminé viré à l’or d’après des négatifs sur verre au collodion, sauf pour 2 épreuves, 2 panoramas. 1858-1860.
    Légendes manuscrites de l’auteur au crayon sur le montage à droite sous lesépreuves ;
    Reliure de J. Weber en toile rouge ; à chaud sur les plats, filets arrondis en palmettes à chaque coin orné du chiffre couronné de Napoléon III encadré de la double palme de chêne et de laurier, les armes de l’empereur au milieu.
  • Provenance

    Don de l’impératrice à la bibliothèque du palais de Fontainebleau (18 mai 1861, n° 3 ; R. I. 625) ; ancien J 441 / 2. Dépôt du château de Fontainebleau, Fb 23872

  • Lien permanent
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