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La table de l’empereur

La table de l’empereur
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Charles Bousquet, l’historiographe de l’inauguration du camp d’entraînement militaire de Châlons-sur-Marne en 1857, est formel : « M. Gustave Le Gray, l’habile photographe, et M. Masson ont établi également leur résidence au camp. Ces messieurs ont l’insigne honneur de loger au quartier impérial, où tout a été disposé pour leur parfaite installation. J’ai entendu dire que S. M. avait chargé ces messieurs de reproduire, par la photographie, les principales scènes militaires dont le camp aura été le théâtre, en y joignant une vue panoramique du camp, des scènes pittoresques empruntées à chacun des campements de la Garde, et les portraits des officiers généraux et supérieurs, français et étrangers, qui auront séjourné au camp de Châlons, soit comme commandants soit comme hôtes de l’empereur. Cette collection de photographies formera un magnifique album dont l’empereur fera, dit-on, présent à plusieurs officiers généraux... »
Bien qu’il n’existe aucun document officiel attestant que la réalisation de ces albums ait effectivement répondu à une commande de Napoléon III, tout le laisse donc penser et surtout, comme le note Florence Le Corre, « il existe une hiérarchie dans l’importance des albums qui correspond très exactement à la hiérarchie de l’état-major du camp : Montebello est aide de camp de l’empereur, Lepic, Morand et Toulongeon sont officiers d’ordonnance ; le baron Larrey est le médecin de l’empereur et Cetty l’intendant du camp ; enfin Castelnau est le créateur du camp et Verly commande le prestigieux escadron des Cent-Gardes, qui est chargé de la garde personnelle de l’empereur : les albums les plus importants portent leur nom ».
Gustave Le Gray n’en était pas à sa première commande officielle : depuis la Mission héliographique en 1851, puis le portrait du prince-président au printemps 1852, il avait régulièrement bénéficié de subsides ministériels. Avoir fait appel à lui pour documenter l’inauguration du nouveau camp, voulu par l’empereur pour pallier les carences apparues dans l’organisation de l’armée française pendant la guerre de Crimée (1854-1856), était tout à fait dans la logique des travaux officiellement commandés aux grands photographes comme Charles Nègre ou Édouard Baldus.
Les images de cette inauguration en présence de l’empereur et de sa garde personnelle dont les manœuvres préludent à celles, les années suivantes, de corps d’armée moins prestigieux, se déroulent comme une suite de tableaux. L’empereur, récent vainqueur en Crimée, dont le nom et l’héritage politique sont synonymes de gloire militaire, a voulu la création du camp ; il apparaît fréquemment dans les vues : à cheval devant le pavillon impérial de toile rayée, dirigeant les manœuvres de l’aube, assistant à la messe solennelle en plein air, ou évoqué par la grande table que l’on dresse pour son dîner du 21 septembre. Le Gray fixe les préparatifs de ce dîner en plein vent avec le mélange de rigueur militaire et de poésie qui caractérise l’ensemble des vues du camp. La raideur de l’étiquette, les uniformes, la solennité des préparatifs sont ici tempérés par les grands arbres frissonnants qui forment le cadre.
S. A.

© Biliothèque nationale de France

  • Date
    1857
  • Auteur(es)
    Gustave le Gray
  • Description technique
    66 épreuves collées sur 47 planches : 25 portraits et 41 vues du camp
    Demi-reliure signée "Binant, 7 rue de Cléry à Paris", dos refait, plats en toile chagrinée aux armes de l’empereur
    Titre et dédicace "Souvenir du camp de Châlons / Au duc de Montebello / 1857", le tout encadré d’un filet doré. Les quatre coins des deux plats portent le N impérial couronné
  • Provenance

    Ancienne collection Georges Sirot
    Acquisition 1955. Bibliothèque nationale de France, Département des Estampes et de la Photographie, Ie 45 folio Réserve

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm4082001113