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Les usages du texte sacré dans le judaïsme

© Bibliothèque nationale de France
Prier avec le Livre
« Que les paroles de la sanctification s’élèvent vers toi, car tu es notre Dieu, roi de la clémence et du pardon. » (Premiers mots de la prière solennelle de Kippour) Le corpus des prières juives est constitué d’une part importante de versets bibliques, de formules plus tardives et de compositions poétiques datant du Moyen Âge. La Bible en elle-même montre peu d’exemples de prières, à l’exception de la bénédiction sacerdotale et de la prière récitée lors de l’offrande des prémices et de la dîme ; depuis l’époque du deuxième Temple, les psaumes ont constitué des textes liturgiques ; les lévites les récitaient quotidiennement. Certains psaumes s’intitulent d’ailleurs « prière », tel le psaume IC, « Prière de Moïse, homme de Dieu ». Après la destruction du Temple et l’arrêt des sacrifices, la récitation de passages de la Bible se substitua au sacrifice lui-même. Les prières demeurèrent longtemps orales, car on considérait qu’écrire les bénédictions était aussi sacrilège que de brûler la Torah. Un corpus se constitua progressivement autour de dix-huit bénédictions et de versets extraits du Deutéronome et des Nombres, débutant par les mots « Écoute Israël ».
Dans ce rituel, contenant les prières du Nouvel An et de Kippour, ces mêmes textes sont enrichis de compositions poétiques dont certaines sont l’œuvre des plus grands poètes hébreux du Moyen Âge.
© Bibliothèque nationale de France
Usages savants
La stabilisation du texte de la Bible hébraïque remonte aux savants travaux des massorètes, lettrés des académies rabbiniques de Palestine et de Babylonie qui du 6e au 11e siècle assurèrent la fixation définitive des écrits sacrés en langue hébraïque ou araméenne, ouvrant la voie à une longue tradition ; tout au long du Moyen Âge, la grammaire occupe une place importante dans l’exégèse traditionnelle juive ; au 16e siècle, le mouvement s’étend, avec le développement de la philologie, à des lettrés non juifs, hellénistes et hébraïsants chrétiens qui circulent en Europe avec leurs livres, de Cambridge à Paris, de Rome à Francfort ; en 1530, à la demande de Guillaume Budé, son « maître de librairie », François Ier fonde le Collège de France : parmi les « lecteurs royaux » chargés d’enseigner des disciplines qu’ignorait l’université de Paris, François Vatable est nommé titulaire de la première chaire d’hébreu, tandis qu’à travers l’Europe, la Bible et l’hébreu sont étudiés dans les universités. Erasme à Louvain, Tissard en France, Hutter et Münster en Allemagne contribuent à la naissance de l’étude critique de la Bible hébraïque, dans la perspective humaniste de la construction de nouveaux savoirs.

Apprendre l'hébreu tout en lisant la Bible
Les caractères d’imprimerie très particuliers – certains vides, d’autres pleins – qui ont servi à l’édition de cette Bible sont l’œuvre d’Elias Hutter, hébraïsant chrétien ayant vécu à Hambourg et à Cologne à la fin du 16e siècle. La préoccupation de Hutter, explicitée sur la page de titre, était de faire de cette bible un outil facilitant tant l’apprentissage de l’hébreu que celui de la Bible. Pour cette raison, il créa lui-même des caractères typographiques adaptés. Les racines des mots de l’hébreu, langue sémitique à l’instar de l’arabe, étant composées d’une, deux ou trois consonnes, les caractères pleins indiquent les lettres du radical initial, tandis que les caractères vides indiquent les lettres qui ne font pas partie de ce radical, comme les prépositions ou les articles.
La Bible de Hutter, dont l’usage était d’abord savant et didactique, fut pour la première fois imprimée à Hambourg en 1587, puis rééditée à Cologne en 1603. Elle témoigne de la vitalité de l’étude de l’hébreu en Europe au 16e siècle, après une impulsion amorcée au siècle précédent.
© Bibliothèque nationale de France
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Usages croyants
L’étude régulière de la Torah est au centre de la vie juive ; une obligation, car les versets de la Torah ne doivent pas quitter la bouche du croyant. La lecture publique du Pentateuque, les lundis, jeudis, samedis, ainsi que les jours de fête et de jeûne, constitue une pratique ancienne du judaïsme ; c’est un rendez-vous qui jalonne la vie du croyant. Les tefilin, boîtiers de cuir contenant des versets du Deutéronome, fixés chaque jour avec des lanières sur le bras gauche et sur le front, placent la Parole divine au-dessus de la pensée, de l’action et près du cœur. Il en est de même pour la mézouza fixée sur les chambranles des portes de la maison, symbole visible et permanent de la foi juive. Le livre de prières quotidiennes contient aussi de nombreux passages bibliques et talmudiques : la Torah fait partie intégrante de la liturgie.
Usages talismaniques
La magie et les pratiques divinatoires, bien que formellement interdites, en particulier par Maïmonide, ont été de tout temps pratiquées dans les communautés juives. Les discussions mentionnées dans le Talmud pour savoir si les amulettes sur lesquelles on écrit des versets bibliques possèdent un caractère sacré en témoignent. Ces pratiques connurent un regain d’intensité avec l’apparition de la Kabbale au Moyen Âge. C’est au pouvoir de la Parole divine, et plus particulièrement de la lettre et de son support, l’amulette, que l’on s’en remet pour soulager, guérir ou dévier le mauvais œil. Ces amulettes étaient préparées parfois par les rabbins eux-mêmes et reprenaient souvent le texte de la bénédiction sacerdotale, ou le psaume LXVII, calligraphié en forme de chandelier, entouré de symboles comme l’étoile de David ou la main à cinq doigts.
Usages ésotériques
La littérature ésotérique juive se développe dès le 3e siècle ; les textes traitent de magie ou décrivent l’ascension de l’initié vers le trône divin ; la vision céleste du prophète Ezéchiel en est un thème important. Les enseignements de cette mystique ont été repris par les kabbalistes au Moyen Âge en Europe du Nord et en Espagne dès le 12e siècle. Le mouvement le plus important est, en Espagne, celui de l’école de Moïse de León, auteur du Zohar ou « Livre de la splendeur », ouvrage majeur de la littérature kabbalistique. La mystique juive a développé une approche non intellectuelle, ésotérique et théosophique de la Torah qui s’appuie sur une vision particulière de la lettre hébraïque, les mots de la Torah contenant selon les kabbalistes le divin qu’ils symbolisent.

Une mystique des lettres : Pardès rimonim
La Kabbale, courant ésotérique du judaïsme né en Castille au 11e siècle, s’est propagée ensuite en Europe et en Palestine ; son texte fondateur est le Zohar. Moïse Cordovero, né en 1522 à Safed, descendant d’une famille juive chassée d’Espagne en 1492, fut initié à la Kabbale par Salomon Alkabetz et fut l’élève de Joseph Caro ; il est l’auteur de ce traité, (Verger aux grenades), aux deux termes emblématiques – le verger, pardès en hébreu, lieu « paradisiaque » où les mystères du divin sont dévoilés aux initiés, et la grenade, symbole de la récompense cachée, liée à l’accomplissement des préceptes divins car elle recèle sous son écorce grossière une multitude de grains pulpeux et savoureux. Selon la Kabbale, l’alphabet hébreu permet de représenter la forme visible du divin. Cordovero expose, au début de ce chapitre intitulé « Portique de l’ordre de la disposition des séfirot » – ces dix « sphères » qui relient infini et matière –, sa théorie sur leur représentation kabbalistique à travers la modification de la lettre aleph.
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Zohar, Livre de la splendeur
Le Zohar – ou « Livre de la splendeur » –, ouvrage fondamental du judaïsme, est un commentaire ésotérique en hébreu et en araméen du Pentateuque, d’une part, et des livres de Ruth, des Lamentations et du Cantique des cantiques, d’autre part. À l’instar de la Bible, il aurait été révélé miraculeusement. La légende affirme qu’il aurait été reçu de Dieu par Shimon Bar Yohai et ses disciples ; ce dernier, élève de rabbi Akiva et rabbin thaumaturge de la première génération, souvent cité dans le Talmud, né en Galilée au 2e siècle de notre ère, aurait vécu treize ans caché dans une grotte avec son fils pour échapper aux persécutions antijuives de l’empereur Hadrien. La légende ajoute que le Zohar se transmit secrètement pour ne réapparaître qu’au Moyen Âge. De nos jours, on considère qu’il s’agit de l’œuvre collective d’une école de philosophie juive fondée par Moïse de León, rabbin ayant vécu en Castille au 13e siècle. Ouvrage fondamental de la Kabbale hébraïque, le Zohar, ainsi que son auteur éponyme, est l’objet d’une grande vénération parmi les communautés séfarades. L’exemplaire présenté ici en est la première édition imprimée.
© Bibliothèque nationale de France
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