Portrait du P. Marin Mersenne
Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, N 2 Le P.
Marin Mersenne (1588-1648) occupa une place éminente dans la vie intellectuelle parisienne et européenne de la première moitié du XVII
e siècle : il fut notamment l’introducteur de l’œuvre de Galilée en France. Religieux de l’ordre franciscain des Minimes, il commença à s’intéresser à ce qu’on nommait alors la « philosophie naturelle », c’est-à-dire la physique et les mathématiques, avec la volonté de faire servir les connaissances scientifiques à l’affirmation de la foi catholique, suivant le dessein d’une apologétique scientifique qui inspira notamment, en 1625, son traité de
La Vérité dans les sciences contre les sceptiques ou pyrrhoniens. Être « aussi bon catholique que bon mathématicien », tel était l’idéal qui anima d’abord Mersenne. Il fut ainsi conduit à faire de l’observation des phénomènes de la nature le principe de ce que Robert Lenoble (1943) a appelé, en analysant sa recherche d’« une sorte de preuve de l’existence de Dieu par la contingence des lois de la nature » et en paraphrasant une célèbre formule des
Pensées de Pascal (S. 680), « une apologétique du cœur : Dieu sensible au cœur du mathématicien et de l’ingénieur ».
La curiosité scientifique de Mersenne finit par l’emporter sur son premier dessein apologétique et l’amena à développer autour de lui un véritable réseau de communication entre savants, entretenu par une correspondance très abondante mais aussi par des réunions fréquentes, dont l’essor remonte au milieu des années 1630 : en 1635, dans l’une de ses lettres à Claude-Nicolas Fabri de Peiresc, Mersenne parlait de « la plus noble académie du monde, qui se fait depuis peu en cette ville » et précisait qu’elle était « toute mathématique ». En septembre, il énumérait au même correspondant les principales personnalités qui en étaient : « Ce sont Messieurs Pascal, président aux Aides à Clermont en Auvergne, Mydorge, Hardy, Roberval, Desargues, l’abbé Chambon et quelques autres. » Ainsi le cercle savant du P. Mersenne fut l’un des principaux milieux que fréquenta Étienne Pascal après son installation à Paris, en raison des talents de mathématicien qu’on lui connaissait et que Gilberte Périer a soulignés dans sa
Vie de M. Pascal : « Mon père était savant dans les mathématiques, et il avait habitude par là avec tous les habiles gens en cette science, qui étaient souvent chez lui. » Il étendit cette « habitude » à son fils Blaise en l’introduisant dans le groupe de Mersenne alors qu’il n’avait encore que douze ans : « [Mon frère] se trouvait régulièrement, continue Gilberte Périer, aux conférences qui se faisaient toutes les semaines, où tous les habiles gens de Paris s’assemblaient pour porter leurs ouvrages ou pour examiner ceux des autres. [Il] y tenait fort bien son rang, tant pour l’examen que pour la production ; car il était un de ceux qui y portaient le plus souvent des choses nouvelles. On voyait aussi souvent dans ces assemblées-là des propositions qui étaient envoyées d’Italie, d’Allemagne et des autres pays étrangers, et on prenait son avis sur tout avec autant de soin que de pas un des autres ; car il avait des lumières si vives qu’il est arrivé quelquefois qu’il a découvert des fautes dont les autres ne s’étaient point aperçus. » Au-delà des preuves qu’il donna de la précocité de son génie scientifique, le jeune Pascal fit là des rencontres décisives, notamment celles de Desargues et de Roberval.
Le portrait de Mersenne a été gravé par Duflos pour servir de planche d’illustration de son éloge dans le second volume des
Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle de Charles Perrault (Paris, Antoine Dezallier, 1700).