Machine arithmétique de Pascal dédiée au chancelier Séguier
1645.
361 × 127 × 77 mm
Paris, musée des Arts et métiers, Inv. 19600
Les pénibles calculs auxquels la charge de commissaire à l’impôt astreignait Étienne Pascal et son fils Blaise, qui l’aidait dans sa tâche, étaient compliqués par le fait que les comptes monétaires exigeaient de travailler dans une base non décimale, puisque la livre valait vingt sols et le sol douze deniers. Afin d’alléger ce travail tout en le rendant plus sûr, le jeune Pascal conçut l’idée d’une machine arithmétique, sans exemple jusqu’alors si l’on excepte celle de l’Allemand Wilhelm Schickard, qui n’eut qu’une existence très éphémère (1623-1624) et aucune publicité. Au-delà de sa visée pratique, la machine de Pascal, connue d’abord sous le nom de « roue pascale » avant celui de « Pascaline », était pour son temps un prodige d’ingéniosité, par lequel Pascal entendait faire montre d’une puissance d’invention et d’une force théorique telles que la raison en arrivait paradoxalement à s’affranchir des embarras du raisonnement :   Cet ouvrage, écrit Gilberte Périer dans la Vie de M. Pascal, a été considéré comme une chose nouvelle dans la nature, d’avoir réduit en machine une science qui réside tout entière dans l’esprit, et d’avoir trouvé le moyen d’en faire toutes les opérations avec une entière certitude, sans avoir besoin du raisonnement. » De là, la position particulière de la machine arithmétique dans la pensée pascalienne : en tant qu’automate obéissant à des mouvements dictés, elle appartient à l’ordre des corps ; en tant qu’invention produite par la raison, elle appartient à l’ordre de l’esprit. Ainsi « la machine d’arithmétique fait des effets qui approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux. Mais elle ne fait rien qui puisse faire dire qu’elle a de la volonté, comme les animaux » (S. 617).
Au terme de recherches commencées vers 1642 et après plusieurs essais qui l’avaient laissé insatisfait, Pascal mit au jour un premier modèle en 1644, disparu ensuite : il fut présenté au chancelier Séguier et, en février, au prince Henri II de Bourbon-Condé, père du Grand Condé. Le modèle définitif ne fut mis au point qu’en 1645. Il est fait d’un caisson rectangulaire dont le plan supérieur ou « platine » se divise en deux parties. La partie antérieure contient l’« inscripteur », constitué d’une série de cinq à dix roues selon les modèles, chaque roue étant munie d’un nombre variable de rayons selon la base de calcul (dix rayons en base décimale, douze en base duodécimale, etc.). La partie postérieure forme le « totaliseur », où s’alignent des lucarnes découpées dans la platine face aux roues de l’inscripteur. Chacune laisse voir un rouleau de papier monté sur un cylindre et portant deux séries de chiffres superposées : l’une sert à afficher le résultat des additions, l’autre celle des soustractions, selon qu’une baguette mobile qui coulisse le long des lucarnes est en position haute ou basse. Des roues de l’inscripteur aux cylindres du totaliseur, le lien se fait par un engrenage de roues dentées dissimulées sous la platine et accompagnées de sautoirs, mécanismes de report essentiels puisqu’ils assurent la transmission de l’information d’une roue de compte à la suivante : ainsi s’effectuent arithmétiques.
On connaît aujourd’hui huit exemplaires originaux de la machine arithmétique de Pascal. Celui qui fut offert au chancelier Séguier – authentifié par une inscription de dédicace de la main de Pascal sur un papier collé à l’intérieur de la machine – est l’un des cinq exemplaires à huit roues, destinés au calcul monétaire : les deux roues de droite sont pour les sols et les deniers, les six autres pour les livres. Vendue sur le marché à la ferraille de Bordeaux sous la Révolution, cette machine demeura dans une collection bordelaise jusqu’en 1950 ; acquise alors par la société IBM, elle fut échangée en 1951 avec le musée des Arts et métiers.
 
 

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