La Conduite du jugement naturel où tous les bons esprits de l’un et l’autre sexe pourront facilement puiser la pureté de la science
Jacques Forton de Saint-Ange
Paris, Pierre Blaise, 1637.
141 pages, In-8°
Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, R-10947
© Bibliothèque nationale de France
Jacques Forton de Saint-Ange, ancien capucin devenu prêtre séculier, professait un rationalisme théologique dont témoigne La Conduite du jugement naturel, ouvrage de vulgarisation philosophique publié en trois parties en 1637, 1641 et 1645 : la raison humaine y apparaît comme l’instrument principal de la connaissance de Dieu et relègue la foi à la place secondaire de simple « appui ». Une telle théorie revenait à nier la doctrine augustinienne de la grâce efficace et était de nature à scandaliser les nouveaux disciples de Saint-Cyran qu’étaient Pascal et ses amis rouennais Adrien Auzoult et Raoul Hallé de Monflaines, qui ensemble avaient rencontré Saint-Ange les 1er et 5 février 1647. Aussi, lorsqu’il se porta, quelques semaines plus tard, candidat à une cure dans le diocèse de Rouen, dénoncèrent-ils auprès de l’archevêque douze propositions qu’ils l’avaient entendu professer : la minimisation de la foi dans la connaissance de Dieu le rendait à leurs yeux indigne des devoirs du prêtre tels que Saint-Cyran, après Bérulle, les avait définis et exaltés en assignant à celui-ci la mission de convertir les cœurs et non pas seulement d’instruire les esprits. L’archevêque de Rouen ayant demandé aux plaignants de joindre à leur déposition les « journaux » de leurs entretiens, on a conservé une relation précise des propos échangés avec Saint-Ange en février. Pascal a certainement pris une part déterminante à sa rédaction car on y relève plusieurs traits que son œuvre développera ensuite : l’attention portée à la question de savoir quelle est, dans l’interprétation de saint Augustin, l’« opinion la plus conforme à la vérité, ou celle de Jansénius, ou celle des jésuites », ce qui annonce les Provinciales ; l’exigence logique d’une définition rigoureuse des termes employés dans toute démonstration, ce qui annonce l’opuscule De l’esprit géométrique ; la dénonciation des prétentions explicatives de Saint-Ange comme une manière fausse de raisonner en ce qu’elle mêle de la croyance à l’explication des phénomènes naturels et du rationalisme à la connaissance du mystère divin : ce qui prépare la distinction des « ordres » de l’esprit et du cœur.
 
 

> partager
 
 

 
 

 
> copier l'aperçu