[Blaise Pascal], Lettres de A. Dettonville contenant quelques-unes de ses inventions de geometrie…
[Blaise Pascal], Lettres de A. Dettonville contenant quelques-unes de ses inventions de geometrie…
[Blaise Pascal], Lettres de A. Dettonville contenant quelques-unes de ses inventions de geometrie…
Paris, Guillaume Desprez, 1659.
Livre imprimé, 250 x 190 mm
Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, RÉS-V-859 (10)
© Bibliothèque nationale de France
L’engagement qu’il avait pris de publier la résolution des problèmes inscrits au concours de la roulette en juin et octobre 1658 si aucun prix n’était attribué, mettait Pascal en demeure de s’exécuter rapidement. L’impression des premières feuilles des Lettres de Dettonville commença donc dans la seconde quinzaine de décembre de 1658 et s’acheva au plus tard dans les premiers jours du mois de mars suivant, des exemplaires commençant à être distribués dès le 7 mars 1659. Pascal, comme il l’avait fait en 1657 pour les Provinciales ne sortait qu’à demi de l’anonymat par cette publication : il y adoptait le pseudonyme d’Amos Dettonville, anagramme tant du nom de Louis de Montalte employé pour les Provinciales que de celui de Salomon de Tultie qui apparaît dans les Pensées : autant de chiffres d’une même signature selon ce qu’il s’agissait de signer, en vertu d’une « nécessité du double liée à la nature même de l’énonciation littéraire » (Le Guern 2015).
Acte final du concours de la roulette, les Lettres de Dettonville sont à la fois la dernière œuvre scientifique de Pascal et une ouverture décisive dans l’histoire des mathématiques. Elles jettent en effet les bases du calcul intégral et réalisent ce qu’annonçait l’Histoire de la roulette  : la cycloïde n’y est pas considérée pour elle-même, mais comme l’occasion de « faire l’essai sur un sujet des plus difficiles » d’un raisonnement d’une portée beaucoup plus générale (des « méthodes auxquelles […] peu de choses pourraient échapper »). Fidèle à la leçon de Desargues, Pascal avait trouvé une « manière universelle ». L’expression elliptique que lui a donnée Pascal présentait toutefois de grandes difficultés, que soulignait Huygens dans une lettre à Carcavy du 22 mai 1659 : « J’admire de plus en plus la subtilité des écrits de Monsieur Dettonville, mais il faut avouer que c’est un labyrinthe lorsque l’on veut faire la construction de quelque problème. » Le labyrinthe est aussi celui de la forme éditoriale : l’œuvre se présente non comme un propos suivi, mais comme une mosaïque de neuf petits traités, aux paginations distinctes et répondant à un ordonnancement différent de celui qu’annonce la page de titre. Ils se regroupent à l’intérieur du volume en quatre grandes parties, chacune constituant une lettre : la première à Carcavy, la seconde à Huygens, la troisième à Sluse, la dernière à « Monsieur A.D.D.S. », initiales sous lesquelles J. Mesnard a proposé d’identifier « Arnauld docteur de Sorbonne ». Quant à la lecture, elle répond à une logique différente encore, la résolution d’un certain nombre de problèmes supposant des renvois de traité en traité dans un ordre non linéaire. Dans cet ensemble compliqué, la partie la plus riche est le « traité des trilignes » inclus dans la lettre à Carcavy. Il offre en effet une démonstration générale de ce qu’on appellera « l’intégration par parties » et présente aussi un remarquable dépassement du propos géométrique dans ses quatre dernières propositions, où « la géométrie finit par ne plus être qu’une abstraction au service du calcul » (Merker 2001).
 
 

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