[Blaise Pascal], Seizième lettre aux Révérends Pères Jésuites. 4 décembre 1656
[Paris, Denis Langlois, 1656].
Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, RÉS D-4339
© Bibliothèque nationale de France
Le 1er février 1656, six jours après la mise en circulation de la première Provinciale, le sieur de Saint-Gilles notait dans son journal : « La Lettre à un provincial fait tous les jours de nouvelles merveilles, montrant clairement et galamment combien l’opinion, ou plutôt les différentes opinions des molinistes sont ridicules. Tous ceux qui n’y sont point intéressés en rient, mais les autres en sont en fureur, et surtout M. le Chancelier, de qui on attend de nouvelles violences à ce sujet. »
Imprimées clandestinement, les premières Provinciales firent l’objet d’une répression policière commandée par le chancelier Séguier, d’autant plus enclin à y voir un trouble à l’ordre public qu’il était intervenu en personne dans les débats de la Faculté de théologie, du 20 au 24 décembre 1655, pour hâter la condamnation d’Arnauld. Bien qu’elles aient été relativement inefficaces, les recherches policières compliquèrent la tâche de ceux qu’elles visaient, du moins pendant les deux premiers mois, en inquiétant les amis que Port-Royal comptait dans le monde de la librairie : le 2 février 1655, le libraire Charles Savreux était arrêté et détenu deux semaines ; le lendemain, des perquisitions étaient effectuées chez Guillaume Desprez et Pierre Le Petit, l’imprimeur des deux premières Provinciales qui ne dut son salut qu’à la présence d’esprit avec laquelle sa femme escamota les formes typographiques qui l’accusaient ; le 30 mars, tandis que le lieutenant civil au Châtelet de Paris Dreux d’Aubray effectuait une perquisition aux Granges de Port-Royal des Champs à la recherche d’une éventuelle imprimerie clandestine, une autre perquisition avait lieu à Paris chez l’imprimeur Denis Langlois, où l’on découvrit les formes de la cinquième lettre. À cette date, Saint-Gilles écrit : « Cela a mis une grande alarme chez tous nos imprimeurs », employant un pluriel qui montre que l’on avait soin de disperser le travail d’impression des Provinciales – à quoi il ajoute, avec la sainte indignation des convaincus : « Mais il est étrange qu’il y ait toute liberté pour les fatras et les calomnies des jésuites et autres molinistes, et qu’il n’y en ait aucune pour les ouvrages qui défendent la vérité et la saine doctrine ».
Les recherches policières connurent des intermittences : elles s’apaisèrent à partir du mois de juin au profit d’une tolérance presque bienveillante. Le bruit du miracle de la sainte Épine et le mouvement de dévotion publique dont bénéficia alors Port-Royal n’y sont certainement pas étrangers. En revanche, les Mémoires du janséniste Godefroy Hermant attestent qu’elles reprirent à partir du mois de décembre 1656, quand furent diffusées les quinzième et seizième Provinciales. Les événements se précipitent en juin 1657 : Desprez et Langlois sont arrêtés à l’issue des perquisitions menées chez eux les 8 et 9 juin. Le présent exemplaire de la seizième lettre garde la trace de cette traque : il fut saisi le 9 juin dans l’atelier de Langlois. Servant de pièce à conviction, il a été paraphé par Langlois et par Dreux d’Aubray, lors de l’interrogatoire que celui-ci lui fit subir le 24 juin 1657. La Réserve des livres rares de la BnF conserve de même des exemplaires paraphés des quatorzième et dix-huitième Provinciales.
 
 

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