Antonius Maria Schyrleus de Rheita, Oculus Enoch et Eliæ, sive radius sidereomysticus…
Anvers, Jérôme Verdussen, 1645.
Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, V-1826
© Bibliothèque nationale de France
Ouvrage d’astronomie connu notamment pour proposer une des premières grandes cartes de la lune, le livre du capucin tyrolien Schyrleus de Rheita (1604-1660) témoigne de l’actualité que conserve, à l’époque de Pascal, une apologétique traditionnelle fondée sur l’argument ancien du « livre du monde » que constitue la nature, son étude fût-elle renouvelée par la science moderne : Dieu se serait découvert aux hommes dans sa création aussi bien que dans le livre de l’Écriture sainte. Cette interprétation est notamment développée dans le second tome de l’Oculus Enoch et Eliæ, qui s’annonce comme une « théoastronomie, par laquelle l’esprit humain est conduit de l’observation des réalités visibles du ciel à la réalité invisible de Dieu ». Elle est symboliquement résumée dans le frontispice gravé du premier tome : sous l’invocation d’un verset du psaume 66, « Venez et voyez les œuvres du Seigneur », Dieu tient une chaîne qui le relie aux quatre grands prophètes (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel), aux sept archanges considérés par le livre apocryphe d’Enoch comme les « noms de Dieu », et aux sept sages de Grèce qui représentent la sagesse humaine. Ainsi le savoir des hommes mène sans solution de continuité jusqu’à la connaissance de Dieu. Le refus d’une telle apologétique est au cœur du projet pascalien des Pensées, fondé au contraire sur l’unique témoignage de l’Écriture, par laquelle Dieu se révèle dans la réalité de son mystère, celui du Dieu caché : « dire [aux hommes] qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent et qu’ils y verront Dieu à découvert, et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune et des planètes, et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles. […] Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture, qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu, en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché ; et que, depuis la corruption de la nature, il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus Christ, hors duquel toute communication est ôtée. […] et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : Vere tu es Deus absconditus » (S. 644).
Exemplaire de Gaston d’Orléans, relié en veau blond glacé et frappé de son chiffre au dos.
 
 

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