René Descartes, Les Méditations métaphysiques… touchant la première philosophie, dans lesquelles l’existence de Dieu, et la distinction réelle entre l’ame et le corps de l’homme, sont demonstrées…
Paris, Veuve Jean Camusat et Pierre Le Petit, 1647.
Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, RÉS R-983
© Bibliothèque nationale de France
Descartes fut pour Pascal, selon l’expression d’Henri Gouhier, « un contemporain capital ». Sa philosophie était abondamment discutée dans les milieux qu’il fréquentait, à Port-Royal, chez le duc de Liancourt à Paris ou encore, comme l’attestent les Mémoires de Nicolas Fontaine, au château de Vaumurier, dans l’entourage du duc de Luynes qui avait traduit en français les Méditations métaphysiques. Pascal avait lui-même une connaissance directe de la philosophie cartésienne, notamment par les Principes de la philosophie, lus dans leur version originale latine de 1644, et par les Méditations métaphysiques, lues vraisemblablement dans la traduction de Luynes de 1647. Aussi le paradoxe est-il que « les concepts cartésiens sont constitutifs d’une pensée qui, après les avoir maintenus avec plus d’exactitude et de fidélité qu’aucune autre, met tout son effort à les subvertir » (Carraud 1992). Cette subversion tient notamment à l’originalité du projet apologétique de Pascal, qui se propose non de démontrer à son lecteur l’existence de Dieu, mais de l’amener à se convertir. Or : « Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées, qu’elles frappent peu et quand cela servirait à quelques-uns, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration, mais une heure après, ils craignent de s’être trompés. » (S. 222.)
Pascal peut ainsi déclarer « Descartes inutile et incertain » (S. 445) : incertain par la faiblesse constitutive de l’homme, qui rend le travail de sa raison à jamais chancelant, inutile dans sa prétention à fournir par la métaphysique des « raisons qui prouvent l’existence de Dieu », selon le titre original de l’annexe aux « Réponses aux secondes objections » des Méditations, couramment désignée sous le nom d’Abrégé géométrique. Car « il disait aussi que ces sortes de preuves ne nous peuvent conduire qu’à une connaissance spéculative de Dieu et que connaître Dieu de cette sorte était ne le connaître pas » (Gilberte Périer, Vie de M. Pascal, seconde version).
Le Recueil de choses diverses composé par un familier de l’hôtel de Liancourt rapporte que Pascal appelait Descartes « le docteur de la raison », mot ironique qui, tout en disant la grandeur du philosophe, accusait sa faiblesse au regard de celui que la tradition nommait « le docteur de la grâce », saint Augustin. Car convaincu que « la foi est différente de la preuve » (S. 41), Pascal ne peut que refuser la démonstration de l’existence de Dieu entreprise dans les Méditations métaphysiques et, dans le souvenir de la première épître de saint Paul aux Corinthiens, opposer à la sagesse rationnelle des preuves l’incertitude du pari et la folie de la Croix : « Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? Ils déclarent en l’exposant au monde que c’est une sottise, stultitiam : et puis vous vous plaignez de ce qu’ils ne la prouvent pas. S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole. C’est en manquant de preuve qu’ils ne manquent pas de sens. […] C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison. » (S. 680.)
Exemplaire de Gaston d’Orléans, relié en veau blond glacé et frappé de son chiffre au dos.
 
 

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