Les disciples d'Emmaüs, 1er état
Les disciples d'Emmaüs, 2e état (dernier entièrement de la main de Rembrandt)
Rembrandt, 1654
Eau-forte, pointe sèche ; 21,1 x 16 cm
Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, RÉS CB-13 (A, 12)-BOITE ECU
© Bibliothèque nationale de France
L’épisode des pèlerins d’Emmaüs occupe une place privilégiée dans l’univers biblique de Pascal comme dans celui de Rembrandt. Les deux interprétations que le peintre hollandais en a données par la gravure en 1634 et 1654 témoignent de l’évolution de sa méditation : à la première représentation intimiste, qui garde la familiarité des scènes d’intérieur de la peinture hollandaise, où le Christ est vu de profil et placé dans l’immédiate proximité des deux pèlerins, il a substitué vingt ans plus tard une mise en scène beaucoup plus dramatique. Le Christ est désormais vu de face, comme dans le tableau peint sur le même sujet en 1648 (musée du Louvre). Ainsi se trouvent conjoints dans une unique figure le Christ de la Cène et celui qui, après l’Ascension, sera assis en majesté sur son trône de gloire : « Il s’est donné à communier comme mortel en la Cène, comme ressuscité aux disciples d’Emmaüs, comme monté au ciel à toute l’Église », écrit Pascal (S. 767).
C’est aussi que Rembrandt, de 1634 à 1654, a déplacé le moment précis de l’épisode : le Christ apparaît en 1654 non plus à l’instant où il s’apprête à rompre le pain mais une fois qu’il l’a rompu, se faisant ainsi reconnaître de ses disciples qui s’écartent, frappés d’étonnement. La scène de 1654 représente par conséquent le Christ au plus près du moment où, suivant le récit évangélique, il va disparaître : « Étant avec eux à table, il prit le pain, et le bénit ; et l’ayant rompu, il le leur donna. En même temps leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant leurs yeux. » (Luc XXIV, 30-31, trad. Le Maistre de Sacy.) Parce que Dieu disparaît dans le moment même où il apparaît aux hommes comme Dieu, l’épisode des disciples d’Emmaüs ne pouvait qu’être privilégié par la certitude pascalienne du Dieu caché, avec laquelle l’art de Rembrandt entre dans une remarquable résonance.
 
 

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