Divers traitez de piété
Cologne [Paris ?], Balthazar d’Egmondt, 1666.
Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, RÉS P-D-183
© Bibliothèque nationale de France
Le trente-deuxième et dernier chapitre de l’édition des Pensées de 1670 est occupé par la Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies, l’une des plus hautes expressions de la « spiritualité pascalienne de l’anéantissement » (Gouhier 1986). Dans la continuité de sa méditation sur l’entrée du Christ dans son agonie au Jardin des Oliviers, Pascal y rapporte à la figure du Christ de douleur tout l’effort d’imitation du Christ qui anime la vie du chrétien : « Faites, ô mon Sauveur, que si mon corps a cela de commun avec le vôtre, qu’il souffre pour mes offenses, mon âme ait aussi cela de commun avec la vôtre, qu’elle soit dans la tristesse pour les mêmes offenses ; et qu’ainsi je souffre avec vous, et comme vous, et dans mon corps, et dans mon âme, pour les péchés que j’ai commis. »
Vraisemblablement composée en 1659 ou 1660, et non pas au lendemain de la « première conversion » de Pascal comme le croyaient les éditeurs de 1670, l’œuvre tranche sur les Pensées par son achèvement et l’ampleur du style. Pascal la destinait de toute évidence à une publication, qui n’intervint toutefois qu’après sa mort : elle parut pour la première fois, de manière anonyme, en tête du recueil des Divers traités de de piété imprimé sans doute à Paris mais publié sous l’adresse fictive de Balthazar d’Egmondt à Cologne. Le livre réunissait un ensemble de méditations et d’oraisons à l’usage des religieuses de Port-Royal. La fausse adresse s’explique par les circonstances de la publication : le conflit qui opposait Port-Royal au pouvoir royal et ecclésiastique autour de la signature du Formulaire battait son plein et avait conduit en juillet 1665 à l’expulsion des religieuses réfractaires du monastère de Paris, regroupées par force dans celui des Champs. Une copie de la Prière de Pascal se trouvait probablement parmi les « deux ou trois coffres de papiers » que, selon le récit de Racine dans son Abrégé de l’histoire de Port-Royal, les religieuses « confièrent à M. Arnauld lorsqu’elles furent dispersées » et d’où l’on tira, dans les années suivantes, la matière de plusieurs éditions subreptices de textes port-royalistes. En 1670, les éditeurs indiquèrent que la prière avait été « déjà imprimée deux ou trois fois sur des copies assez peu correctes ». Trois éditions antérieures sont aujourd’hui connues : le texte de 1666 fut réédité sans doute peu après, dans une édition sans date portant elle aussi l’adresse fictive de Balthazar d’Egmondt à Cologne – et au titre de laquelle est inscrit le mot de saint Augustin, « Prenez et lisez » –, puis en 1669 à Châlons en Champagne à l’instigation de l’évêque janséniste du lieu, Félix Vialart de Herse. Les quelques différences textuelles entre ces éditions et celle de 1670 tiennent vraisemblablement au fait que les éditeurs ont utilisé une copie manuscrite  ; mais en dépit de ce que déclare leur avertissement, ils se sont également servi de l’édition de 1666, beaucoup moins incorrecte qu’ils ne le laissaient entendre.
 
 

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